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ALTERNATIVES À L’ADOPTION PLÉNIÈRE :
QUESTIONS-RÉPONSES

Suite à la conférence “Élever et aimer un enfant comme le sien, sans l’adopter, est-ce possible ?”
mise en ligne sur Youtube fin novembre 2020, vous aviez la possibilité de nous transmettre des questions par mail. Les voici, avec leurs réponses !

NB : Certaines questions et leur réponse ont été reportées dans plusieurs “chapitres”, il y a donc des doublons intentionnels.

Pourquoi ce livre sur les Alternatives à l’Adoption écrit par Cécile Delannoy et Marie-Laure Bouet-Simon et publié en février 2020 ?
Pourquoi avons-nous complété la vidéoconférence avec ces questions et réponses donnant de plus amples détails sur les Alternatives à l’Adoption ?
La réponse réside ci-après :

« Tout enfant, quelle que soit sa situation juridique, privé ou non des liens du sang, doit être relié humainement par des liens du sens.
Aucune autorité administrative ou parentale ne peut le priver de ce droit vital ».
Catherine ENJOLET

Nous remercions vivement Cécile Delannoy (c’est elle qui tient la plume pour répondre à la majorité des questions), Marie-Laure Bouet-Simon et les partenaires de la vidéoconférence : Adepape 59 (anciens pupilles de l’Etat), France Parrainage Nord et le réseau Respire de l’Udaf 59 (parrainage de proximité). Ils ont pris le temps de réaliser la vidéoconférence et de répondre aux questions ci-dessous qui concernent leurs domaines de compétence.

 

Le parrainage, c’est l’histoire de rencontres entre personnes ordinaires qui créent un lien institué et reconnu socialement par une forme de « ritualisation » afin que chacun puisse dire simplement : c’est mon parrain ; c’est mon filleul.

Il s’agit de temps partagé, d’affection partagée et d’engagement DANS LA DURÉE.
C’est la possibilité pour un adulte, d’établir un lien affectif durable avec un enfant proche de son domicile, pour lequel son parent (ou la personne qui exerce l’autorité parentale) demande le soutien d’au moins un autre adulte. Le parrain ou la marraine peuvent devenir des tuteurs de résilience.
Il peut être considéré comme un « droit de l’enfant à une mobilité géographique, culturelle et sociale

Repères :

  • Juin 2005 charte nationale du parrainage
  • 2012 Union nationale des acteurs de parrainage de proximité
  • Il existe de nombreuses associations de parrainage sur l’ensemble du territoire. La plupart interviennent dans le cadre d’un département, afin de garder une dimension humaine, de faciliter les rencontres et la connaissance mutuelle. Dans le cadre de la charte commune, chaque association s’adapte au contexte local et exerce sa marge de liberté.
    Ex : France Parrainage (de nombreuses antennes dans plusieurs départements), Respire de l’Udaf 59, Parrains par mille, Secours Catholique, …
    Toutes fonctionnent dans le respect de la laïcité.
  • Pour quels enfants : soit ils vivent dans leur famille, soit ils sont confiés et dans ce cas, les parents doivent donner leur accord pour permettre la mise en œuvre du parrainage, avec l’accord du service référent.

Reprenons les propos du livre « Les Alternatives à l’Adoption » rédigé par Cécile Delannoy et Marie-Laure Bouet-Simon : « Soyons claires. Le parrainage de proximité ne satisfait pas le désir d’être parent, ni d’avoir le statut social. Il n’offre pas non plus la garantie d’une relation durable, même si c’est une possibilité heureuse. Mais c’est un statut qui n’entraîne pas de véritable obligation, dont la rupture éventuelle n’est pas un désastre. Il permet une relation naturelle spontanée … avec une juste distance affective ».

Quant au cadre juridique, il existe. C’est celui du droit commun de l’intérêt supérieur de l’enfant : considération primordiale pour prendre toute décision le concernant, de l’autorité parentale –lorsqu’il s’agit de mineurs et du droit fondamental à « être associé à toute décision le concernant » –, de la capacité à agir, de la « participation adéquate au processus décisionnel » dont les contours sont dessinés notamment en protection de l’enfance par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Sont également en mouvement le droit commun de la responsabilité et son corollaire, l’obligation de vérifier que les personnes qui se trouvent en lien avec l’enfant n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pour les infractions prévues dans le Code pénal (rappelées dans l’art. D.221-19 du CASF).

Marie-Laure Bouet-Simon : « L’accompagnement est indispensable pour certains projets de parrainage. J’ai vu des parrainages qui « échouaient », je pense que le manque d’accompagnement était une des explications.

Il y a un besoin « de conseils, de guidance, d’échanges ». C’est vrai que certains enfants, certains ados présentent des problématiques compliquées. Ils vont mettre les adultes en grandes difficultés de par leur parcours, de par ce qu’ils ont vécu. Et si les parrains se retrouvent seuls face à tout ça, effectivement les risques sont qu’ils baissent les bras. Donc accompagner, soutenir, étayer, c’est vraiment une grande nécessité ». 

Quel retour avez-vous en tant qu’association de parrainage sur la gestion d’une relation triangulaire entre l’enfant, le parrain et le service référent de l’enfant s’il est confié à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ?

Intissar Koussa, France Parrainage : « Dans le cadre du parrainage, c’est sûr qu’on a un gros travail d’accompagnement. Le lien avec l’ASE n’est pas toujours en accord avec le soutien. Les référents ASE oublient, qu’ils ont affaire à des familles bénévoles et non des professionnels. Et c’est compliqué d’ajuster tout ça ! Je trouve qu’il y a un sacré travail de la part des familles qui parrainent, pour aider à garder aux enfants un fil rouge. Des parrainages durent depuis 10 ans. Une reconnaissance serait appréciable ! Les parrains pourraient prendre une place de tiers bénévole durable dans l’accompagnement. Il y a un gros boulot à faire. Il y a des lacunes et des choses à travailler entre les référents de l’ASE et les accompagnants ».

Quel est l’intérêt pour l’enfant d’avoir un parrain ?

Intissar Koussa, France Parrainage : « le parrain (homme seul, femme seule ou couple) est une personne ressource supplémentaire dans la vie d’un enfant. Chacun dans sa vie a bénéficié d’un soutien tiers : prof, ami ou autre…. Il est important de multiplier les personnes ressources autour d’un enfant. Une ressource stable est indispensable.
Pour le parrainage : le temps de la mise en confiance est primordial à une bonne relation parrain/enfant. La relation peut ainsi s’inscrire dans la durée.

Qui sont les enfants parrainés ?

Ils peuvent être dans leur famille, être placés dans une famille d’accueil ou en foyer, être pupilles de l’État ».

Quand on parraine, combien de temps cela dure-t-il ?

Cécile Delannoy : « Le parrainage peut durer toute une vie. Ma sœur parraine depuis 35 ans. Mais là où c’est intéressant, c’est qu’on peut aussi accueillir un enfant sur une durée déterminée : en vacances par exemple. Je pense également aussi aux accueils par le Secours Catholique ou le Secours Populaire.

Pour des couples postulant à l’adoption, qui vivent depuis plus de 15 ans sans enfants, ces parrainages sont des possibilités. Ces couples, ne se rendent absolument pas compte du bouleversement de vie que cela peut avoir sur leur couple, le fait d’avoir des enfants. Je pense que l’expérience de l’accueil en vacances ou celui du parrainage, cela procure une connaissance de soi face à des enfants. Cela est précieux !
Je souhaiterai qu’un couple postulant à l’adoption, âgés de 40-45 ans, aie cette expérience-là. Celle d’un enfant étranger, qui arrive chez eux et qui sera avec eux pour un certain temps. Comment ils le vivent ? Est-ce qu’ils maintiennent leur projet d’adoption après ? Est-ce qu’ils se sentent réellement prêts à adopter ».

 

Maryse, maman adoptive, qui parraine également depuis cinq ans : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ajouterai simplement attention à l’enfant. Ne pas l’oublier ! Il existe des parrainages courts, longs. Lorsque l’on s’engage dans un parrainage auprès d’un enfant, il faut que l’on sache si cela est une semaine pendant les vacances ou pour toute une vie.

Alors si c’est pour toute une vie, même si l’adoption arrive, cet enfant-là ne doit pas disparaître de notre vie. Par contre si c’est pour un parrainage court, même si cela n’est que durant les vacances, l’enfant attend peut-être tout de même plus. Il ne faut pas oublier cet enfant-là.

Nous avons tous eu dans notre vie des expérimentations sans danger pour l’enfant avant d’en accueillir un à la maison, et c’est comme cela que l’on apprend. Mais attention à la fragilité des enfants parrainés. Parce qu’ils ont des parcours de vie très complexe, alors ne pas rajouter une fragilité à ça. Il ne faut pas les oublier.

C’est plus un message aux travailleurs sociaux qui proposeront le parrainage. Qu’ils n’oublient pas l’enfant dans tout ça ».

Pour de plus amples détails et témoignages, consultez le livre « Les alternatives à l’adoption ».

 

Témoignage

Nous sommes en couple depuis juin 2011, et mariés depuis juillet 2015. Forts de cette union et de cet amour, notre souhait d’avoir un enfant s’imposait. Mais le destin en a décidé autrement, que ce soit de manière naturelle ou médicale, nos efforts n’ont pas abouti.

Ayant fait le deuil d’un enfant « naturel » nous avons opté pour l’adoption. Nous avons obtenu l’agrément en Décembre 2018, et depuis nous sommes dans l’attente de cette petite merveille qui bouleverserait nos vies. Bouleverser, c’est bien le terme….

Sommes-nous capables d’être parents ? Notre couple, si « tranquille » peut-il être à la hauteur de tout l’amour et l’attention qu’un enfant mérite ? Ces questions essentielles, nous nous les posons et même si notre souhait d’être parent est indiscutable, cela peut faire peur évidemment.

Suite à la vidéoconférence « Aimer un enfant comme le sien, sans l’adopter est-ce possible ? », nous avons pris la décision de parrainer un enfant par le biais de France Parrainage.

Conscient que cette démarche est bien distincte de notre projet d’adoption, elle permettrait de donner un peu de bonheur et d’évasion à un enfant mais aussi de nous permettre de nous « jauger » en tant que futurs parents.

Cette initiative a donc un double but : rendre un enfant plus heureux et nous rassurer en tant que futurs adoptants.

L & C

Un tiers pour un enfant, est une personne qui n’est ni sa mère, ni son père. L’article 375-3 du Code Civil souligne : « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier 1e/ à l’autre parent, 2e/à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, «3e / à un service départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance, 4e à un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ; 5e / à un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé ». Les pupilles de l’État ne sont pas concernés. Le tiers digne de confiance est donc nommé par voie judiciaire. Ce tiers est un « proche » qui connait déjà l’enfant, qui peut s’être fait connaitre du Juge ou être déjà connu de lui. Qu’elle entérine une situation déjà existante ou qu’il s’agisse d’un changement de situation, cette décision vise à répondre au mieux aux besoins de l’enfant : le sortir d’une situation de conflit familial, en cas de danger ou de risque de danger lui éviter un « placement » dans une institution.

Le tiers fait partie le plus souvent de l’entourage de l’enfant (familial, amical, associatif, scolaire…). Il est une personne qu’il connaît déjà, susceptible et volontaire pour l’accueillir durablement, répondre de manière adaptée à ses besoins. Les liens d’attachement qu’il a pu nouer avec lui doivent pouvoir
être pris en compte et respectés.

Le Code civil fait ici le choix de préférer le tiers digne de confiance, au service d’Aide Sociale à l’Enfance. Comme le soulignent Cécile Delannoy et Marie-Laure Bouet-Simon dans leur ouvrage « Les Alternatives à l’Adoption », ces textes anticipent une évolution de la pratique judiciaire, souhaitable pour les enfants, mais peu pratiquée encore !

Repères :
• Le tiers n’a pas à demander un agrément, contrairement à l’assistant familial et au postulant à l’adoption. Une enquête vérifie qu’il mène une vie normale, qu’il n’a pas de casier judiciaire.
• Le tiers peut accueillir l’enfant à temps partiel (certains week-ends, les vacances) ou à temps complet.
• Quand l’enfant est confié à temps complet, au niveau des impôts, l’enfant confié entre dans le foyer fiscal du tiers.
• Le tiers n’est pas rémunéré, il est bénévole.
• Il peut être indemnisé pour les frais d’entretien de l’enfant (s’il le demande). Cette indemnité est destinée à l’entretien, l’éducation et la conduite de l’enfant. Elle peut être versée par le Conseil Départemental lorsque l’enfant a été confié par le Juge des Enfants (Article L 228-3 du CASF, application 2° de l’article 375-3 du CC). Le montant de cette indemnité n’est pas fixé par la loi. Il varie donc d’un département à l’autre.
• Il ne dispose de l’autorité parentale (à priori)
• Durée de son statut ? Ce statut peut être révoqué par le juge. Ceci étant, si l’enfant retourne chez ses parents, la jurisprudence atteste qu’on accorde souvent des droits de visite de l’enfant au tiers, dans l’intérêt de l’enfant.
• Seul le tiers à qui l’enfant est confié par le Juge des enfants est nommé « digne de confiance ». Pas de qualificatif dans le code civil pour le tiers non moins digne de confiance à qui l’enfant est confié par le Juge aux affaires familiales. Le code civil nomme également « proche digne de confiance » la personne qui bénéficie d’une délégation d’autorité parentale (JAF).


Je voulais savoir s’il existait des services d’accompagnement de tiers digne de confiance ? 

Il existe un service à ma connaissance qui est associatif et qui se trouve en Savoie, c’est un service qui exerce des mesures d’aide éducative en milieu ouvert et qui avait fait une extension pour accueillir les TDC et pas les tiers bénévole puisque ce service existe depuis bel lurette. Mais c’est la seule expérience de ce type que j’ai entendu parler.

Intissar Koussa, France Parrainage : « En tout cas moi, cela ne me rend pas très confiante pour l’avenir, s’il n’y a pas de service d’accompagnement pour les TDC. Ces derniers doivent également rencontrer des difficultés, comme nous pouvons tous en connaître avec des enfants et des adolescents. Je ne sais pas s’il va y avoir un service ouvert spécifiquement pour les TDC ? En tout cas le fait est que nous, association de parrainage, nous avons proposé un accompagnement pour les Tiers Bénévoles dans deux départements. C’était sur notre proposition. On a développé cet accompagnement. Mais le fait que ces deux départements passent par nous, c’est qu’a priori, ils devaient se sentir un peu démunis. En tout cas pour mener ce projet là en interne ».


Pour de plus amples détails et témoignages, consultez le livre « Les alternatives à l’adoption ».

Le tiers bénévole est un adulte, seul ou en couple, auquel le président du Conseil départemental confie un enfant. Il s’agit d’une avancée de la loi de mars 2016, qui crée ce statut.
Le tiers est recherché dans l’environnement de l’enfant ou parmi d’autres personnes susceptibles de l’accueillir dans la durée.

Repères :
• Le président du Conseil départemental procède à l’évaluation de la situation du tiers
• Ce projet requiert l’accord écrit des titulaires de l’autorité parentale
• Un professionnel de l’ASE apporte aide et soutien au projet tant pour l’enfant que pour le/les tiers
Pour quels enfants ?
Cela peut concerner certains enfants pupilles de l’état ne pouvant faire l’objet d’un projet d’adoption, des enfants avec l’autorité parentale déléguée à l’ASE et des mineurs non accompagnés. On voit ici que ce sont des situations, où les parents soit ne sont plus titulaires de l’autorité parentale (exemple des pupilles), soit il y a délégation de l’autorité parentale. En ce sens, le tiers durable peut (ou pas) évoluer vers l’adoption avant ou après la majorité selon les situations.

Marie-Laure Bouet-Simon : « Le statut de tiers durable a un cadre. Contrairement au parrainage, il a un cadre juridique défini par la loi de 2016. Ce cadre comporte le fait qu’il y ait « une évaluation ». L’ASE reste dans le circuit et doit accompagner les tiers durables et bénévoles. Donc là, on a la possibilité de proposer un accompagnement pour positionner les choses et ajuster. Il y a la souplesse – oui – mais il y a aussi un cadre. A nous de concilier les deux ».

Cécile Delannoy : « J’ai le sentiment que les parents adoptifs, les candidats à l’adoption sont habitués à avoir à faire à un cadre qui est strict, à un agrément qui est bien défini etc. Et ils se demandent comment on va faire des choses aussi cadrées avec le statut de tiers. Or, je crois que, précisément, avec le statut de tiers, on fait quelque chose de beaucoup moins défini à l’avance et de beaucoup plus souple. Cela ne va pas être exercé de la même manière selon l’âge de l’enfant, le passé de l’enfant, son profil psychologique etc. Presque tout est possible par négociation ».

– Vous précisez, au démarrage, qu’il y avait des personnes de l’environnement proche de l’enfant/de l’adolescent, et un autre type de personne. Est-ce que vous pourriez préciser ? Est-ce que quelqu’un qui entend parler de tiers bénévole peut se présenter en tant que candidat ou est-ce qu’il faut avant tout avoir eu une histoire de vie avec un jeune ou avec un enfant proche ou moins proche ? Comment cela se déroule ? 

Marie-Laure Bouet-Simon : « Dans le département du Calvados, on a trouvé nos tiers bénévoles parmi les candidats agréés à l’adoption, pour des projets de tiers bénévoles.
C’est possible quand des candidats sont suffisamment ouverts : ouverts en terme d’âge (des notices de 8-10 ans…), quand les candidats sont ouverts à l’adoption simple, quand on sent dans le cadre d’échanges post-agrément, qu’il y a vraiment possibilité d’évoquer des situations spécifiques. Là, on peut éventuellement faire appel à ces candidats par rapport à la situation de jeunes pour lesquels on est en recherche de candidats.
Un des « viviers », où l’on pourra trouver des tiers bénévoles pour des pupilles de l’État, ce sont les candidats qui ont l’agrément à l’adoption.
Pour les autres candidats, n’importe qui aujourd’hui, sous réserve de l’évaluation bien évidemment, peut effectivement être intéressé soit par le parrainage, soit par le statut de Tiers Durable et Bénévole (TDB).
L’idée est de se faire connaître : soit auprès d’associations, soit auprès des Services départementaux.
Concernant le tiers bénévole, on en est au début. À ma connaissance, il n’y a pas d’association, aujourd’hui, qui regroupe les tiers bénévoles. On espère avec Cécile que cela puisse se concrétiser d’une façon ou d’une autre : que cela soit les départements ou les associations, l’important c’est que cela puisse exister et que les personnes puissent être accompagnées. Mais pour répondre plus précisément à votre question, effectivement, toute personne peut au moins candidater pour être parrain/marraine ou tiers »

– Quel suivi ont les jeunes, qui sont pris en charge par des tiers bénévoles ? J’ai le cas dans mon entourage d’une personne qui a recueilli un jeune mineur étranger. Elle s’est adressée à l’ASE qui a défini le fait qu’elle serait tiers bénévole. Et après, elle a eu l’impression d’être lâchée dans la nature avec ce garçon. Je voudrais savoir quelles sont les garanties d’un suivi pour ces enfants ? Qu’est-ce qui est fait, ou qui devrait être fait ?

Marie-Laure Bouet-Simon : « Le cadre est clair : il y a un accompagnement pour les Mineurs Non Accompagnés (MNA) que l’ASE doit proposer. Cette personne ne devrait pas se retrouver toute seule. Elle devrait avoir un interlocuteur au niveau du Service de l’ASE.
Et pour tous les autres projets de tiers, qui peuvent aussi concerner les pupilles comme les mineurs isolés, l’accompagnement est indispensable. Je dirais même que préparation et accompagnement sont aussi importants que lorsqu’on met en place un projet d’adoption. Et l’accompagnement va durer encore plus longtemps que dans le cadre de l’adoption. Les Services de l’ASE doivent disposer de moyens, qui leur permettent d’accompagner ces projets, qui sont des projets spécifiques.
Là, il y a beaucoup à faire. Il y a un besoin « de conseils, de guidance, d’échanges ». C’est vrai que certains enfants, certains ados présentent des problématiques compliquées. Ils vont mettre les adultes en grandes difficultés de par leur parcours, de par ce qu’ils ont vécu. Et si ces personnes se retrouvent seules face à tout cela, effectivement il y a un risque. Celui que ces personnes baissent les bras. Donc accompagner, soutenir, étayer, c’est vraiment une grande nécessité. 

On en est aux prémices de l’émergence et de la mise en œuvre de ces projets. Il y a quelques départements qui ont commencé, on en est aux débuts ! Mais cela relève réellement des Services ASE de proposer l’accompagnement adéquat ».

Les départements du Nord, Pas de Calais, Calvados, Orne et Loire-Atlantique par exemple connaissent et utilisent le statut de tiers. Ils ne sont pas nombreux. Mais ces départements sont susceptibles de chercher des tiers bénévoles pour accueillir des enfants, y compris dans d’autres départements s’ils ne trouvent pas dans le leur.

France Parrainage, Intissar Koussa  : « A France parrainage, nous avons développé un programme depuis 2018 qui s’appelle Famille Solidaire. Il a été créé grâce, justement, à la loi de 2016. Nous l’avons proposé au Conseil Départemental du Val-de-Marne et au Conseil Départemental de l’Essonne avec lequel nous le développons.
Nous avons actuellement 15 jeunes Mineurs Non Accompagnés (MNA) qui sont chez des tiers bénévoles. Les tiers ont été évalués et recrutés par notre association. Ils sont accompagnés par une équipe de travailleurs sociaux de notre association dédiée à cet accompagnement.
Pour notre programme de parrainage, ce n’est pas l’ASE qui accompagne les familles mais bien France Parrainage. Pour quelles raisons, le Val-de-Marne et l’Essonne nous ont suivis ? Ils étaient tout à fait clairs avec nous sur le fait qu’ils n’avaient aucune expérience de l’accompagnement de bénévoles. Ce qui est très différent d’accompagner une famille d’accueil, qui est, elle, professionnelle.
En tant qu’association de parrainage depuis 1947, nos équipes (composées de travailleurs sociaux et de psychologues prestataires) ont aujourd’hui l’expérience et l’expertise pour accompagner ces familles-là. Elles nécessitent un accompagnement psychologique précis. Nous sommes en lien avec le Conseil Départemental jusqu’à la fin de la prise en charge du jeune par le « tiers ». A partir du moment où le jeune n’est plus pris en charge par l’ASE, nous ne sommes plus financés pour accompagner la famille qui continue d’accompagner ce jeune-là.
Être tiers bénévole, ça ne réduit pas vraiment les risques de séparation. Nous, on en a connu des familles qui se sont, au bout d’un mois, 2 mois, 3 mois… délestées du projet. Parce que pour elles, c’était trop compliqué. Elles n’envisageaient absolument pas, elles n’avaient pas appréhendé ce projet-là de cette manière. Et cela même si notre évaluation est précise et très rigoureuse, avec différents types d’entretiens ! Nous sommes plus exigeants que ce que demande la loi ! Pourtant, cela n’empêche pas certains loupés. Tout simplement, la sécurité affective va faire que les jeunes migrants – notamment – vont totalement lâcher leurs émotions, leurs peurs, tout ce qu’ils contenaient jusque-là. Tout va finalement se déverser dans ce cadre sécurisant. Et ça peut être un trop-plein pour les familles de recevoir notamment l’histoire de migration de ce jeune qui est passé par des pays où il a eu un parcours migratoire… je ne vais l’apprendre à personne… avec tout ce qu’ont pu vivre ces jeunes en passant par la Lybie, l’Algérie, le Maroc, même en Espagne. Et ce trop-plein du témoignage du jeune qui, finalement, se sent tellement à l’aise, tellement sécure que ça fait 2, 3 ans qu’il contenait cette rage, cette colère, cette tristesse au fond de lui. Il va d’un seul coup la « vomir » à cette famille-là avec laquelle il se sent en sécurité. Et si derrière, on n’était pas là pour accompagner la famille, pour accompagner le jeune dans ces confidences extrêmement difficiles à recevoir, il y a beaucoup de familles qui se seraient écroulées jusqu’à maintenant. Et il y en a certaines qui, malgré l’accompagnement n’ont pas pu faire face à ces difficultés-là. Aujourd’hui notre programme n’est ouvert qu’aux MNA. Il est en expérimentation sur ces deux départements : l’Essonne et le Val d’Oise depuis 2018.
J’insiste sur les difficultés, mais il y a aussi de belles histoires. Cette année nous avons une sortie par l’adoption simple. Nous avons le témoignage d’Amadou. C’est un jeune qui est dans le programme Famille Solidaire et accueilli actuellement dans une famille tiers bénévole.
On commence de plus en plus à recevoir des appels de famille de tiers bénévoles d’autres départements. Elles se sont engagées mais ne sont pas accompagnées. Elles sont complètement démunies face à la situation dans laquelle elles sont mises par l’ASE.
Donc, je ne dis pas que ce sont tous les départements mais on a, à ce jour, comptabilisé une dizaine de familles qui reviennent vers nous en disant : « Voilà, on a eu vos coordonnées sur Internet parce qu’on cherchait un accompagnement par rapport à ce qu’on vit aujourd’hui auprès de MNA ». Elles ne sont absolument pas accompagnées par les Services de l’ASE des départements.
Faudrait-il penser à un service d’accompagnement spécifique pour ces tiers bénévoles ? Et pourquoi ne pas passer par des structures associatives, qui ont l’expertise, l’expérience de l’accompagnement des familles de bénévoles auprès d’enfants ? Parce que cela nécessite une véritable expertise. Mes collègues qui accompagnent les familles bénévoles ont une véritable expertise de ces accompagnements-là ».

Témoignage de Marie-Laure Bouet-Simon : « nous travaillons un projet de tiers, que nous avons mis en place pour un jeune de 15 ans. Ce projet de tiers, est en train d’évoluer vers une adoption. Les candidats tiers se sont débrouillés, ont aménagés leur temps : un grand nombre de week-ends, par exemple, ou de temps de vacances.
Alors c’est vrai qu’on doit faire avec les disponibilités des uns et des autres, mais c’est possible. Cela demande un ajustement important, une souplesse, du côté des tiers mais aussi du côté des services. Mais c’est possible ! » 

Dans le cadre du statut de tiers durable bénévole, on comprend qu’il faut du temps pour « apprivoiser » un enfant, dont, je cite : “le parcours a été cahotique au sein de l’ASE”. Comment cela se passe concrètement ?

Karine Nivelais, Fédération Enfance et Familles d’Adoption : « Il m’est arrivé à plusieurs reprises de parler de cette possibilité auprès d’un auditoire. Des questions émergeaient sur le fait que c’était des enfants qui avaient pour la plupart un parcours de vie antérieure un peu complexe. Il semblait nécessaire de prendre le temps de les accueillir, de leur faire une place, de les sécuriser. Mais comment le faire en l’absence d’un statut officiel, qui ouvre des droits à un congé d’adoption comme le statut de parent adoptif. Voilà. Quels étaient les moyens et/ou bricolages possibles pour se donner le temps de faire connaissance et de se sécuriser mutuellement ? »

Marie-Laure Bouet-Simon : « Les enfants de l’ASE ont souvent eu un parcours de vie chaotique. Les difficultés – notamment d’attachement – que de nombreux enfants de l’ASE connaissent, ont des répercussions sur les relations qu’ils développent ensuite avec les différentes personnes qu’ils rencontrent. Et c’est par rapport à ces difficultés là – ce sont avec ces difficultés là – que les tiers ou les adoptants ont à faire.
Effectivement, il n’y a pas de droit ouvert pour les tiers. On est en train de travailler sur un projet de tiers, mis en place pour un jeune de 15 ans, projet qui évolue vers une adoption. On est passé par un grand nombre de week-ends et de temps de vacances où les candidats tiers se sont débrouillés, ont aménagé leur temps. C’est vrai qu’on doit faire avec les disponibilités des uns et des autres, ça demande de la souplesse de part et d’autre, les tiers et le service qui les accompagne, mais c’est possible ».

– Pour le statut de tiers bénévole est- ce que des enfants de tous âges peuvent être confiés ? Ou sont-ce plutôt des adolescents ?

A partir de 4-5 ans jusqu’à 13-14 ans, moyenne d’âge 8-9 ans. Oui, l’accueil d’un enfant assez jeune est possible, ce ne sont pas nécessairement des préados. A partir de 13 ans, ce sont des ados, et leur avis est pris en compte obligatoirement, ils peuvent refuser … On ne proposera que des pré-ados qui souhaitent une vie de famille !

– N’y a-t-il pas un “risque” que l’enfant retourne chez ses parents, que les parents le “reprenne” après plusieurs années de vie commune et d’efforts d’apprivoisement du tiers envers l’enfant confié ?

Risque théorique, oui, avec le statut de tiers, mais il y a tellement d’enfants totalement délaissés et totalement oubliés par les géniteurs (des femmes abandonnent dans leur vie jusqu’à cinq ou six enfants de pères différents, dès que les soins leur pèsent) que le risque semble purement théorique. Par ailleurs, l’enfant vous sera proposé (pas confié aussitôt, proposé) et vous étudierez le dossier avec le professionnel et jugerez si vous pensez qu’il y a un risque, ou pas. On ne vous forcera pas la main. Il y a un risque à prendre …  

– Comment faire savoir que l’on veut devenir tiers ou parrains ?

Marie-Laure Bouet-Simon : « L’idée, c’est effectivement de se faire connaître : soit auprès d’associations de parrainage, soit auprès des Services Départementaux . Il y a environ un tiers de départements qui ont des associations de parrainage, et quelques-uns ont des services d’aide au parrainage. Donc l’idée c’est de se faire connaître effectivement auprès des associations ou auprès de ces services.
Concernant le tiers bénévole, là encore, on en est au début. À ma connaissance, il n’y a pas d’association, aujourd’hui, qui regroupe des tiers bénévoles. On espère avec Cécile que cela puisse se concrétiser d’une façon ou d’une autre : Que cela soit les départements ou les associations, l’important c’est que cela puisse exister et que les personnes puissent être accompagnées. Mais pour répondre plus précisément à votre question, effectivement, toute personne peut au moins candidater pour être parrain/marraine ou tiers ». 

– Quel accompagnement peut offrir mon département pour les tiers bénévoles ?

Marie-Laure Bouet-Simon : « Il y a une très grande hétérogénéité au niveau des fonctionnements départementaux, dans les services qu’ils peuvent proposer. Dans les départements que je connais, ce sont les travailleurs sociaux du département qui assurent l’accompagnement des Tiers. Dans le Calvados, le parrainage est aussi lié au département, Là toutes les configurations sont possibles. Là encore l’important c’est que les choses existent ».

Intissar Koussa, France Parrainage : « Les enfants délaissés, qui sont confiés à des familles d’accueil ou à des foyers, continuent d’être suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ce suivi devrait s’étendre aux enfants confiés à des tiers. Dans la loi, il est précisé qu’avant même d’envisager de le confier à une famille d’accueil ou à un foyer on peut le confier à un tiers bénévole. Dans l’ordre : le tiers bénévole est cité en premier. On note que l’autorité parentale reste détenue par l’ASE. Le statut de tiers bénévole devrait bénéficier du même encadrement que les autres statuts. Il n’y a pas de raison que l’on fasse des économies sur des postes de psychologues ou de travailleurs sociaux dans les services sous prétexte que l’on a confié l’enfant à une famille bénévole ».

Karine Nivelais, Fédération Enfance et Familles d’Adoption: « L’intérêt des familles qui accueillent un enfant par ce statut de tiers bénévole, est qu’elles puissent se regrouper dans une association. Marie-Laure parle de statuts, qui sont en train d’émerger. Aujourd’hui, les réponses satisfaisantes ne sont pas encore construites. Elles sont à construire. Effectivement, on a besoin de plus de pionniers tels que Marie-Laure et Cécile et peut-être chacun de nous, pour construire tout ça, chacun apporte « sa partie ». Je suis convaincue que l’accompagnement est vraiment une pierre angulaire, pour que ce dispositif soit opérationnel. Et qu’il réponde au mieux aux besoins de l’enfant ».

Intissar Koussa, France Parrainage : « Les expériences que vous avez détaillées, ne peuvent que souligner l’importance de l’accompagnement. Il est important de rappeler que ce soit dans le parrainage ou dans le statut tiers bénévole, qu’on doive accompagner non seulement l’enfant mais aussi le bénévole ».

– Je suis membre de conseil de famille. Depuis plusieurs années, et nous avons essayé des parrainages pour des enfants pupilles. Ce fut un échec. C’était des enfants, qui n’étaient pas adoptables, avec problème psychiques et abîmés. Les parrains n’étaient pas préparés à ce type d’enfants. Je me demande si aujourd’hui, un statut de tiers bénévole n’aurait pas été préférable : faire dans la dentelle et plus accompagné…

Marie-Laure Bouet-Simon : « Ce sont des projets très particuliers : une bonne connaissance de l’enfant et en face une bonne connaissance des candidats est nécessaire. Un gros travail de préparation et d’accompagnement est indispensable. C’est pour cela que le tiers bénévole est mieux adapté que le parrainage pour un pupille de l’état. Vu que le tiers bénévole est un statut qui n’existait pas, nous avons pu avoir recours à des parrainages qui ont abouti à des adoptions dans le Calvados. La question qui se pose sont les candidats : il faut des personnes averties et préparées. C’est une question centrale auprès des services adoption des départements : quels moyens sont mis en œuvre pour le garantir ? ».

Pour de plus amples détails et témoignages, consultez le livre « Les alternatives à l’adoption ».

Témoignages :

Rencontre avec Louis : véritable “coup de cœur” de part et d’autre
Comment devient-on tiers durable et bénévole ?
Encore faut-il savoir que ce statut existe ! Voici les témoignages croisés de Louis 14 ans et des tiers à qui il a été confié. M. et Mme Dupont sont parents d’enfants biologiques et d’enfants adoptés. Leur couple s’est ouvert au parrainage en 2018. Puis un service d’Aide Sociale à l’Enfance d’un département les appelle pour Louis, un enfant de 12 ans qu’ils souhaitent confier à des tiers durables et bénévoles. Le couple a besoin de mûrir ce nouveau statut, qui les engage profondément. Après accord, M. et Mme Dupont rencontrent Louis dans le cadre des vacances. Très rapidement, la situation évolue et Louis vit désormais à temps complet chez eux. Une rencontre, qui est un véritable “coup de cœur” de part et d’autre !
« En juillet 2018, nous avons écrit à six départements pour leur proposer notre candidature au parrainage. En septembre, nous avons eu un coup de téléphone de Madame X qui nous a parlé d’un jeune garçon de 12 ans en situation très difficile. Elle nous proposait de devenir tiers durables et bénévoles. Nous découvrons alors ce statut. De quoi s’agit-il ?
Nous avons cheminé, puis avons rencontré Louis, alors âgé de 13 ans. Il est venu en vacances 8 jours, y est resté 15, et est retourné dans sa famille d’accueil. Il devait revenir en vacances en avril, mais renvoyé définitivement de son collège (deuxième collège en 18 mois), nous l’avons accueilli définitivement en tant que tiers durables et bénévoles le 15 avril.
Ensuite, la situation évolue à nouveau. La maman (malade psychiatrique lourde, sentant son état s’aggraver) a signé une remise à l’Aide sociale à l’Enfance avec son consentement à l’adoption. Louis est devenu pupille de l’Etat en août 2019. Sa maman lui a tout expliqué.
Il faut vous dire que la rencontre avec Louis a été de part et d’autre un véritable « coup de cœur ». C’est un garçon qui a vécu pendant trois ans avec une maman déficiente. Puis pendant dix ans avec une famille d’accueil maltraitante, en particulier psychologiquement. Il allait partir en foyer … Quand on voit le trésor qu’est ce garçon, c’est extraordinaire qu’il s’en sorte comme ça. Depuis le début, il dit avoir eu un « coup de foudre » pour notre famille. Les mots obscènes, la violence, le mensonge, en un an tout cela a disparu chez Louis. Il est heureux dans son collège, est passé en quatrième. Il a des projets pour son orientation. Il nous a appelés « Papa et Mama ». C’est maintenant Maman (« mais j’ai deux mamans, c’est tout »). Il nous a demandé de l’adopter. Nous allons rencontrer le service concerné prochainement. Dans notre cœur, il est notre fils depuis le début …Mais quelle énergie nous avons dépensée depuis un an !

Pour l’anniversaire de notre rencontre, il nous écrit : « Je suis heureux que vous m’avez accueilli avec joie (je pense…) Je vis une superbe vie. Je suis trop content que vous allez pouvoir m’adopter, sur les papiers. En tous cas, moi, ça fait belle lurette que je vous ai adoptés. Mais bon c’est dans mon cœur, c’est plus important que sur les papiers … C’est formidable ce que vous avez fait dans toute votre vie à adopter des personnes avec handicap, même après le décès de Lucia, vous avez continué jusqu’à moi. Vous avez fait encore un heureux ».
J’aimerais aussi évoquer la difficulté de devenir maman quand les liens avec la première maman sont maintenus. C’est nouveau pour moi. Et compliqué ! Et aussi de la frustration de ne même pas recevoir le bulletin de note, car je ne suis pas responsable légale. Alors que j’assure un soutien scolaire quotidien et renforcé (à la demande de Louis) pour rattraper les lacunes… 
Louis pendant des mois a fait des cauchemars. Il rêvait qu’on le renvoyait dans son département d’origine, ou qu’on le battait, voire qu’on le tuait ! Heureusement, il nous en parlait. Je le voyais le matin, il n’était pas bien et je l’interrogeais. Et à chaque fois l’assurance que non, il ne repartirait pas, jamais, a pu le rassurer. J’ai aussi très rapidement accroché sa photo sur le mur des enfants, avec tous les enfants de la famille, dans notre chambre. Il en a été si heureux.
Les premières semaines, il a beaucoup somatisé: il avait mal au ventre, à la gorge, à la tête, il saignait du nez Il est aussi passé par des attitudes régressives : il roulait sur le petit porteur de notre petit garçon (trisomique de 4 ans), faisait le petit, montait sur les genoux de mon mari (il le fait encore). Il a aussi eu des comportements plus inquiétants : se balancer en se cognant la tête contre un meuble, ou se recroqueviller sur un banc en se balançant. Dans ces cas, je le reprenais doucement, et le berçais dans mes bras pour qu’il s’apaise. Ces comportements se sont estompés au bout de trois mois environ …
Louis a 14 ans. Nous ne savons pas comment il va évoluer avec l’adolescence qui va s’installer. Et les “prises de risque” qui accompagnent souvent cet âge délicat de 16 /17 ans pour les garçons. Mais en attendant, nous sommes bel et bien en train de devenir ses parents pour la vie …C’est une belle histoire.
Mais quelle aventure de fous ! C’est notre témoignage. Tant d’enfants attendent ! Ils sont prêts à aimer les personnes qui leur donneront juste ce dont elles ont besoin : du respect, de la confiance, de la sécurité, et surtout beaucoup d’amour. Je crois au destin et aux rencontres. Louis nous attendait.

– Pour le statut de tiers bénévole est- ce que des enfants de tous âges peuvent être confiés ? Ou sont-ce plutôt des adolescents ?

Théoriquement ce statut peut concerner des enfants de tous âges. Actuellement des enfants grands, des adolescents, sont plus nombreux mais dans la situation d’enfants où il y a délégation de l’autorité parentale déférée au département cela peut concerner des enfants plus jeunes.

– Quels âges ont les enfants pupilles de l’Etat dans le Nord ? Combien sont-ils ?

En 2019, le nombre de pupilles de l’Etat dans le Nord est de 275 enfants. 21% ont moins de 5 ans ; 21% ont entre 6 et 10 ans ; 22% ont entre 11 et 14 ans ; 36% ont entre 15 et 18 ans.

– J’ai besoin d’avoir une précision sur les chiffres. Vous dites en 2018, 3035 pupilles de l’état et 1357 enfants admis en qualité de pupilles. Les 2 chiffres s’additionnent ou les 1357 font partis des 3035 ? Merci de votre précision

Sans entrer dans les détails, cela s’additionne.

– Quel est l’âge moyen des enfants adoptés en adoption simple?
Combien d’enfants adoptés en adoption simple en France ces dernières années ?

Il n’y a pas de statistique concernant le nombre d’adoptions simples et leur âge moyen. Pourquoi ?
La majorité des adoptions simples sont surtout des adoptions intrafamiliales (par un conjoint par exemple) ou des adoptions se faisant à l’âge adulte.
Concernant les pupilles de l’état adoptés en adoption simple, il y en a peu. Les conseils de famille et les postulants à l’adoption pour la plupart privilégient par manque de connaissance l’adoption plénière. Pas de chiffre connu.

– Vous parlez lors de la conférence de mineurs étrangers isolés ?

Cécile Delannoy : Ce que je sais, parce ce que je l’ai entendu de plusieurs sources, c’est la facilité de la relation avec les adolescents mineurs isolés. Lorsque la mise en relation s’organise par le biais de l’Aide sociale à l’Enfance. Ils sont venus de l’étranger. Ils n’ont aucune violence. Ils sont très étonnés des manifestations des jeunes d’ici. Ils disent : « Mais ils ont tout ! Ils ont tout ! Qu’est-ce qu’ils réclament ? ». Ils font le délice des parrains et des tiers, qui se retrouvent assez vite dans le rôle de grands-parents. Parce que des jeunes accueillis à 16-17 ans deviennent de jeunes adultes, qui s’installent dans la vie. Et les tiers bénévoles, qui n’ont jamais été parents au sens strict, deviennent grands parents de cœur ! Ils finissent par là où ils auraient voulu commencer, ils chérissent des bébés !

Marie-Laure Bouet –Simon : Je voudrais revenir sur les mineurs non accompagnés. C’est vrai qu’on a l’expérience de plusieurs situations. Moi, ce qui m’a frappée chez ces jeunes, c’est le fait qu’ils ont des assisses solides, en terme de construction et de développement. Pas tous les mineurs non accompagnés, mais un bon nombre. Ils ont une construction qui fait que, effectivement, et là je rejoins Cécile, les relations se font facilement avec les adultes qu’ils rencontrent.

– Dans le cadre du statut de tiers durable bénévole, on comprend qu’il faut du temps pour « apprivoiser » un enfant, dont je cite : le parcours a été cahotique au sein de l’ASE. Comment cela se passe concrètement ?

Karine Nivelais : Il m’est arrivé à plusieurs reprises de parler de cette possibilité auprès d’un auditoire. Des questions émergeaient sur le fait que c’était des enfants qui avaient pour la plupart un parcours de vie antérieure un peu complexe. Il semblait nécessaire de prendre le temps de les accueillir, de leur faire une place, de les sécuriser. Mais comment le faire en l’absence d’un statut officiel, qui ouvre des droits à un congé d’adoption comme le statut de parent adoptif. Voilà. Quels étaient les moyens et/ou bricolages possibles pour se donner le temps de faire connaissance et de se sécuriser mutuellement ? 

Marie-Laure Bouet-Simon : Les enfants de l’ASE ont souvent eu un parcours de vie chaotique. Les difficultés – notamment d’attachement – que de nombreux enfants de l’ASE connaissent, ont des répercussions sur les relations qu’ils développent ensuite avec les différentes personnes qu’ils rencontrent. Et c’est par rapport à ces difficultés là – ce sont avec ces difficultés là – que les tiers ou les adoptants ont à faire.
Effectivement, il n’y a pas de droit ouvert pour les tiers. On est en train de travailler sur un projet de tiers, mis en place pour un jeune de 15 ans, projet qui évolue vers une adoption. On est passé par un grand nombre de week-ends et de temps de vacances où les candidats tiers se sont débrouillés, ont aménagé leur temps. C’est vrai qu’on doit faire avec les disponibilités des uns et des autres, ça demande de la souplesse de part et d’autre, les tiers et le service qui les accompagne, mais c’est possible.

 – Pour le statut de tiers bénévole est- ce que des enfants de tous âges peuvent être confiés ? Ou sont-ce plutôt des adolescents ?

A partir de 4-5 ans jusqu’à 13-14 ans, moyenne d’âge 8-9 ans. Oui, l’accueil d’un enfant assez jeune est possible, ce ne sont pas nécessairement des préados. A partir de 13 ans, ce sont des ados, et leur avis est pris en compte obligatoirement, ils peuvent refuser … On ne proposera que des pré-ados qui souhaitent une vie de famille !
 
– N’y a-t-il pas un “risque” que l’enfant retourne chez ses parents, que les parents le “reprenne” après plusieurs années de vie commune et d’efforts d’apprivoisement du tiers envers l’enfant confié ?

Risque théorique, oui, avec le statut de tiers, mais il y a tellement d’enfants totalement délaissés et totalement oubliés par les géniteurs (des femmes abandonnent dans leur vie jusqu’à cinq ou six enfants de pères différents, dès que les soins leur pèsent) que le risque semble purement théorique. Par ailleurs, l’enfant vous sera proposé (pas confié aussitôt, proposé) et vous étudierez le dossier avec le professionnel et jugerez si vous pensez qu’il y a un risque, ou pas. On ne vous forcera pas la main.

C’est un vrai risque à prendre, mais le pourcentage en est extrêmement faible, presque nul, parce que les services d’adoption français, s’ils sont souvent lents, prennent toujours le temps de bien connaître les familles d’origine des enfants et savent que certains enfants ne pourront jamais être à nouveau confiés à leurs parents de naissance (le cas de maladie mentale irréversible, de parents ayant déjà abandonné plusieurs enfants plus âgés sans jamais s’enquérir de leurs nouvelles, etc). De toute façon si l’enfant vous est proposé, il le sera avec tous les éléments de ce qui est connu des parents de naissance, en sorte que vous puissiez peser vous-mêmes le risque. Les services ont tout intérêt à confier un enfant à un tiers sans lui faire courir de risque !

– Je suis membre de conseil de famille. Depuis plusieurs années, et nous avons essayé des parrainages pour des enfants pupilles. Ce fut un échec. C’était des enfants, qui n’étaient pas adoptables, avec problème psychiques et abîmés. Les parrains n’étaient pas préparés à ce type d’enfants. Je me demande si aujourd’hui, un statut de tiers bénévole n’aurait pas été préférable : faire dans la dentelle et plus accompagné

Marie-Laure Bouet-Simon : « Ce sont des projets très particuliers : une bonne connaissance de l’enfant et en face une bonne connaissance des candidats est nécessaire. Un gros travail de préparation et d’accompagnement est indispensable. C’est pour cela que le tiers bénévole est mieux adapté que le parrainage pour un pupille de l’état. Vu que le tiers bénévole est un statut qui n’existait pas, nous avons pu avoir recours à des parrainages qui ont abouti à des adoptions dans le Calvados. La question qui se pose sont les candidats : il faut des personnes averties et préparées. C’est une question centrale auprès des services adoption des départements : quels moyens sont mis en œuvre pour le garantir ? ».

– Dans le cas d’un candidat à l’adoption ayant obtenu l’agrément qui se proposerait comme tiers bénévole, est-ce que le profil de l’enfant confié serait forcément dans les clous de la notice ?

Il est probable que les professionnels qui géreront le dossier tiendront compte de ce qui est dit dans les rapports pour l’agrément, il est possible qu’ils fassent des propositions un peu hors bornes mais vous resterez libre d’accepter ou pas.
Actuellement, les services d’adoption peuvent être très indépendants des services ASE qui prennent en charge les enfants « placés ». Mais si le statut de tiers se développait, qui en serait chargé ? Si cela devenait une des possibilités alternatives à l’adoption, on peut penser que le service d’adoption en aurait la responsabilité et tiendrait évidemment compte de ce qui a été dit lors de l’agrément.

– Avez-vous des statistiques récentes et réalistes quant au risque qu’une demande d’adoption n’aboutisse jamais, que ce soit en France ou à l’international ?

Plus d’une candidature à l’adoption (agréée) sur deux n’aboutira pas. Ça c’est sûr !
Si on prend en compte le nombre total de gens qui ont -ou ont eu- l’agrément sur une période de dix ans et le nombre d’adoptions sur ces dix années, l’écart est bien plus important. Peut-être une chance sur 5 ou 6 ! Mais il est vrai que certains candidats obtiennent l’agrément mais ne cherchent pas vraiment à adopter. Ils se satisfont de l’agrément, ne confirment pas au bout d’un an, ou y renoncent après deux ou trois ans. C’est ce qui rend très difficile d’établir une vraie statistique, il faudrait comparer le nombre d’adoptions (qui est connu) au nombre de candidats vraiment en attente d’enfants, en quête d’enfants, qui est difficile à estimer.
 
– Si nous possédons une notice pour une adoption plénière, quelles démarches sont à effectuer pour se positionner en faveur d’une adoption simple ?

Il suffit de s’adresser au service d’adoption du département qui vous a fourni l’agrément et de leur préciser que vous acceptez adoption plénière ET adoption simple. Si vous avez le dossier mais pas encore l’agrément, normalement les professionnels devraient vous poser la question pendant le parcours d’agrément ; trop souvent ils ne pensent même pas à l’adoption simple, à vous alors d’aborder la question, et de dire que vous acceptez les deux hypothèses.

– Dans quels cas le statut de tiers durable et bénévole peut-il mener à l’adoption ?

Lorsque l’enfant confié à un tiers devient pupille parce que la justice a finalement constaté le délaissement parental complet, d’une part, et d’autre part lorsque le jeune a 18 ans et que le parent et le jeune font une demande conjointe, il s’agit en ce cas d’adoption simple.

– Concernant le parrainage : le parrainage est-il vraiment une alternative à l’adoption, ou s’agit-il d’autre chose ?

Tout dépend du sens qu’on donne au mot alternative ! Jusqu’où accepte-t-on que l’alternative s’éloigne du modèle initial ? Si vous voulez, grimpons ensemble dans l’arbre des possibles.
Il s’agit dans tous les cas de donner du temps et de témoigner intérêt et affection à un enfant (à un jeune mineur). Il s’agit là du tronc de l’arbre, commun aux parents, aux tiers, et aux parrains.
On arrive à une bifurcation, selon que ce temps accordé à l’enfant est limité à des moments privilégiés mais n’est pas coextensif à l’emploi du temps de chacun, ou au contraire que ce temps accordé remplit entièrement le temps de l’adulte (même s’il est séparé parfois de l’enfant qui est en camp de vacances ou en voyage scolaire ou chez un ami, il en reste responsable en permanence). D’un côté le temps partiel du parrainage, de l’autre le temps entièrement partagé avec l’enfant qui est le temps du parent (et qui donne un sentiment de possession : « mon enfant », alors qu’un enfant n’est pas une possession !).
Le temps partiel, c’est le parrainage. Mais pour ceux qui le vivent, lorsque tout se passe au mieux, ce temps partiel irrigue totalement la vie de l’un et de l’autre, l’enfant et l’adulte. Ils vivent avec intensité le bonheur de ces moments privilégiés, qui ne s’use pas dans les contraintes du quotidien (« ferme ta porte, ne fais pas tant de bruit, t’es-tu bien lavé les mains avant de passer à table, as-tu fait tes devoirs ? » … ). Les parrains reçoivent souvent, à l’adolescence de leurs filleuls, des confidences que les jeunes ne font pas à leurs parents, leurs premières amours, leurs premiers rêves de vie adulte. Si bien que certains adultes, qui ont déjà pratiqué le parrainage, le vivent comme une véritable alternative à l’adoption, parce qu’ils y trouvent le bonheur qu’ils cherchaient. Bonheur donné et bonheur reçu.
Pour les adultes candidats déclarés à l’adoption, qui rêvent d’un enfant à côté d’eux, chez eux, en permanence, qui acceptent le risque de l’usure du temps, le risque des hauts et des bas de la relation parents-enfants (sauf exceptions), le parrainage n’est pas une alternative acceptable ! Ils grimpent donc plus haut dans l’arbre, jusqu’à la bifurcation « adoption » et « statut de tiers », la branche adoption se divisant elle-même en simple ou plénière. A ceux-là, inutile de présenter le parrainage comme une alternative ! Mais on peut leur signaler que faire l’expérience du parrainage pourrait être riche d’expérience pour eux, et tellement utile à certains enfants.
Car l’autre volet de la réflexion, à ne surtout pas oublier, c’est le besoin de l’enfant : certains rêvent d’une famille unie, chaleureuse, accueillante, une famille pour la vie, pour être comme les autres, pour sentir en sécurité, le parrainage est un pis-aller pour eux ! Mais d’autres se méfient trop de la vie de famille pour l’accepter aussitôt, ils ont besoin du parrainage pour se réconcilier avec le monde adulte … et peut-être souhaiteront-ils plus tard une évolution de leur statut.

Personnellement je ne présente plus le parrainage comme une alternative à l’adoption : c’est autre chose, et ça n’est pas exclusif de l’adoption. On peut parrainer, puis adopter un autre enfant en continuant à parrainer, ou l’inverse, adopter puis parrainer un enfant qui sera un compagnon pour l’enfant adopté …
Le parrainage concerne également beaucoup d’enfants pas du tout suivis par l’Aide sociale à l’Enfance, le public est sensiblement différent.


– Être dans l’attente d’un apparentement et vouloir parrainer un enfant, est-ce compatible ou déconseillé ?

Toute situation est singulière. Si un couple ou une personne vient juste d’avoir l’agrément, on peut penser que compte tenu de la moyenne d’attente pour qu’un projet d’adoption se réalise, penser parrainage ou tiers n’est pas incompatible, au contraire.
Si l’apparentement est proche, si vous avez des chances d’aboutir rapidement, ce n’est peut-être pas le bon moment pour investir dans le parrainage. Mais comme en général l’apparentement est un horizon assez lointain voire improbable, parrainer constitue une excellente expérience. Et puis cela dépend aussi des âges des enfants. On peut parrainer un grand en attendant un petit : peu de risques de jalousie en ce cas chez les enfants …
Là encore, on ne peut pas généraliser les situations, mais les traiter au cas par cas.

– Quels sont les départements qui mettent en place le statut de tiers pour un accueil durable et bénévole ?

Les départements du Nord, Pas de Calais, Calvados, Orne et Loire-Atlantique par exemple connaissent et utilisent le statut de tiers. Ils ne sont pas nombreux. Mais ces départements sont susceptibles de chercher des tiers bénévoles pour accueillir des enfants, y compris dans d’autres départements s’ils ne trouvent pas dans le leur.

– Le service adoption dans notre département nous déconseille de mener les deux projets en même temps : être postulant à l’adoption et être candidat au parrainage. Qu’en dites-vous ?

D’une manière générale les professionnels insistent pour que les candidats aient fait un choix clair. Pour eux, ils déconseillent de mener les deux projets de front. C’est un point qui me taquine … Il me semble qu’on peut être ouvert à plusieurs hypothèses, du moins si on ne les hiérarchise pas trop !
Je dirais que parrainer un enfant est compatible avec l’attente d’une adoption si les âges des enfants sont suffisamment différents ! Parrainer un préado et attendre l’apparentement avec un enfant de moins de 6 ans, ça me semble psychologiquement sans risque.


– Je suis au début de la demande d’agrément (j’ai eu pour l’instant 2 rdv avec l’éducatrice spécialisée et 1 avec la psychologue). Toutes deux ont dès le début mentionné l’adoption simple et ont pu me renseigner mais dans l’ensemble je suis frappée par l’absence générale d’informations concernant ce type d’adoption qui m’intéresse personnellement.
Je voudrais savoir à quoi cela est dû d’après vous.
Y a-t-il des pays qui favoriseraient davantage l’adoption simple tout en restreignant l’adoption plénière ?

La réponse est, je crois historique. Avant 1968, toute naissance hors mariage mettait la jeune mère au ban de la société ou presque. Les familles poussaient alors celle-ci à accoucher sous x et à laisser son enfant à la maternité. Aucun problème alors de lien avec la famille de naissance. Les enfants étaient adoptés en adoption plénière, souvent ils n’avaient pas de nom à la naissance (deux prénoms pas de nom de famille). L’adoption plénière allait de soi. Avant 1968, les parents adoptifs adoptaient en principe des bébés en adoption plénière.
L’adoption simple en revanche était le recours pour des enfants plus âgés, en particulier dans les cas de remariage après décès d’un membre du couple : le nouveau conjoint adoptait en adoption simple l’enfant de son ou sa partenaire. Et ça ne posait aucun problème car c’était évidemment bien accepté par la société. Pas secret. L’adoption simple se pratiquait donc par un des deux conjoints, l’autre étant déjà parent biologique.
Si on remonte plus loin encore dans le temps, au départ tout était adoption simple. On disait adoption tout court. Vers 1960 dans mon souvenir, il y a eu une affaire célèbre (affaire Novac). Des parents bio redemandaient un enfant qu’ils avaient confié auparavant à l’adoption. L’enfant avait peut-être deux ans, il y a eu procès et ça a trainé. Les juges ont décidé de laisser l’enfant à ses parents adoptifs : c’était l’intérêt supérieur de l’enfant, totalement attaché à la famille qui l’élevait depuis tout petit. L’adoption plénière a donc été décidée par une loi pour sécuriser les adoptions après abandon d’enfant. Pas de retour en arrière possible. Donc les services ASE ne connaissaient pratiquement que celle-là.
Dans les pays étrangers, on ne peut pas comparer, car les législations ne sont pas les mêmes. L’accouchement sous X n’existe pas. Il peut n’y avoir qu’une sorte d’adoption.
L’évolution des mœurs amène une évolution des formes d’adoption, le statut d’adoption simple est aujourd’hui remanié et sécurisé pour mieux s’adapter à la nouvelle réalité sociale, sans couper tout lien avec l’origine quand c’est l’intérêt de l’enfant.
 
– Je me demandais aussi quel pouvait être le ressenti d’un enfant adopté en adoption simple, dont l’un des parents est toujours vivant et avec lequel il entretient des liens. N’y a-t-il pas le risque d’un conflit de loyauté plus fort que dans l’adoption plénière ?

Un enfant adopté en adoption simple garde rarement des liens avec ses parents de naissance, sauf dans le cas de parents très handicapés, très déficients mentaux, qui pour autant n’ont pas démérité. Sinon il peut s’agir de garder des liens avec un grand-parent, ou un couple oncle tante, qui ont toujours bien accueilli l’enfant. Le maintien du lien n’est pas obligatoire, l’ASE étudie la question, voit si c’est important pour le bien de l’enfant, et fixe des limites, un rythme, ce n’est pas envahissant. Pour autant, oui, l’enfant peut vivre un conflit de loyauté, dans les deux cas, et c’est le rôle du parent qui adopte de veiller à parler avec respect des parents de l’enfant, de ne pas les juger trop, en sorte que l’enfant n’ait pas honte du milieu d’où il vient.  C’est difficile d’être plus précis, car il faut tenir compte de l’âge de l’enfant et de ses souvenirs s’il en a.
 
– Quel est l’âge moyen des enfants adoptés en adoption simple?
Combien d’enfants adoptés en adoption simple en France ces dernières années ?

Il n’y a pas de statistique concernant le nombre d’adoptions simples et leur âge moyen. Pourquoi ?
La majorité des adoptions simples sont surtout des adoptions intrafamiliales (par un conjoint par exemple) ou des adoptions se faisant à l’âge adulte.
Concernant les pupilles de l’état adoptés en adoption simple, il y en a peu. Les conseils de famille et les postulants à l’adoption pour la plupart privilégient par manque de connaissance l’adoption plénière. Pas de chiffre connu.

– Pouvez-vous svp ré-expliquer les différences entre les différentes formes d’adoption simple et plénière sur le plan des responsabilités morales et juridiques? Ou autrement dit, pourquoi ces formes se sont moins développées que l’adoption plénière? Y a-t-il des risques? Si oui, quels sont-ils?

Responsabilités morales et juridiques, je ne vois pas de différence entre les deux. L’adoption simple est plus ancienne et n’était pas irrévocable. En 1949 environ un père (géniteur) a réclamé son enfant déjà adopté et abandonné par la mère (la génitrice) sans qu’il soit informé de l’existence de l’enfant, et la famille adoptive a refusé de se séparer de l’enfant, ça a trainé, la justice a fini par confirmer le droit des parents adoptifs, et l’adoption plénière a été créée et entourée de garde-fou à ce moment-là, pour éviter que se reproduise ce drame. Donc logiquement c’est l’adoption plénière qui a été créée pour les adoptants ! Mais le statut d’adoptant simple a été modifié à plusieurs reprises pour se rapprocher de l’adoption plénière, en sorte que le seul cas aujourd’hui où l’adoption simple peut être révoquée quand l’enfant est mineur est celui d’un crime commis par le (ou la) parent adoptif, autant dire jamais … (crime ! un délit n’y suffit pas)
La différence c’est la reconnaissance du passé de l’enfant : son nom, son premier état civil, son droit à héritage dans sa famille de naissance …
Aucun risque qu’un parent de naissance reprenne un enfant adopté (adoption simple, c’est pareil).

– Nous aimerions savoir ce que vous pensez de l’adoption simple d’un deuxième enfant ou de la création d’un autre type de lien avec cet enfant, quand notre premier enfant de 9 ans a déjà été accueilli par adoption plénière à quatre ans et demi ?

Oui, c’est le problème d’une jalousie possible entre enfants, problème assez aigu quand ça s’enracine dans la petite enfance … Votre premier enfant a-t-il envie d’un petit frère ou d’une petite sœur ? Si oui, il me semble qu’il y a peu de problèmes, les problèmes ordinaires dans une famille où arrive un second enfant. S’il n’en a pas envie et est très accroché à vous, il aura de toute façon la satisfaction d’être celui qui jouit du statut le plus solide, et vous expliquerez au second, quand il posera la question, que c’était la seule solution officielle. Et puis il y a actuellement tellement peu de différences entre ces deux statuts que ça ne devrait pas causer de jalousie grave entre vos enfants, si vous vous sentez capable de les aimer autant l’un que l’autre (si tant est qu’on puisse comparer !).

– Quand on parraine, combien de temps cela dure-t-il ?

Cécile Delannoy : « Le parrainage peut durer toute une vie. Ma sœur parraine depuis 35 ans. Mais là où c’est intéressant, c’est qu’on peut aussi accueillir un enfant sur une durée déterminée : en vacances par exemple. Je pense également aussi aux accueils par le Secours Catholique ou le Secours Populaire.
Pour des couples postulant à l’adoption, qui vivent depuis plus de 15 ans sans enfants, ces parrainages sont des possibilités. Ces couples, ne se rendent absolument pas compte du bouleversement de vie que cela peut avoir sur leur couple, le fait d’avoir des enfants. Je pense que l’expérience de l’accueil en vacances ou celui du parrainage, cela procure une connaissance de soi face à des enfants. Cela est précieux !
Je souhaiterai qu’un couple postulant à l’adoption, âgés de 40-45 ans, aie cette expérience-là. Celle d’un enfant étranger, qui arrive chez eux et qui sera avec eux pour un certain temps. Comment ils le vivent ? Est-ce qu’ils maintiennent leur projet d’adoption après ? Est-ce qu’ils se sentent réellement prêts à adopter ».

Maryse, maman adoptive, qui parraine également depuis cinq ans : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ajouterai simplement attention à l’enfant. Ne pas l’oublier ! Il existe des parrainages courts, longs. Lorsque l’on s’engage dans un parrainage auprès d’un enfant, il faut que l’on sache si cela est une semaine pendant les vacances ou pour toute une vie.
Alors si c’est pour toute une vie, même si l’adoption arrive, cet enfant-là ne doit pas disparaître de notre vie. Par contre si c’est pour un parrainage court, même si cela n’est que durant les vacances, l’enfant attend peut-être tout de même plus. Il ne faut pas oublier cet enfant-là.
Nous avons tous eu dans notre vie des expérimentations sans danger pour l’enfant avant d’en accueillir un à la maison, et c’est comme cela que l’on apprend. Mais attention à la fragilité des enfants parrainés. Parce qu’ils ont des parcours de vie très complexe, alors ne pas rajouter une fragilité à ça. Il ne faut pas les oublier.
C’est plus un message aux travailleurs sociaux qui proposeront le parrainage. Qu’ils n’oublient pas l’enfant dans tout ça ».

– Comment faire savoir que l’on veut devenir tiers ou parrains ?

L’idée, c’est effectivement de se faire connaître : soit auprès d’associations de parrainage, soit auprès des Services Départementaux . Il y a environ un tiers de départements qui ont des associations de parrainage, et quelques-uns ont des services d’aide au parrainage. Donc l’idée c’est de se faire connaître effectivement auprès des associations ou auprès de ces services.
Concernant le TB, là encore, on en est au début. À ma connaissance, il n’y a pas d’association, aujourd’hui, qui regroupe des TB. On espère avec Cécile que cela puisse se concrétiser d’une façon ou d’une autre : Que cela soit les départements ou les associations, l’important c’est que cela puisse exister et que les personnes puissent être accompagnées. Mais pour répondre plus précisément à votre question, effectivement, toute personne peut au moins candidater pour être parrain/marraine ou tiers. 


– Pour le statut de tiers bénévole est- ce que des enfants de tous âges peuvent être confiés ? Ou sont-ce plutôt des adolescents ?

A partir de 4-5 ans jusqu’à 13-14 ans, moyenne d’âge 8-9 ans. Oui, l’accueil d’un enfant assez jeune est possible, ce ne sont pas nécessairement des préados. A partir de 13 ans ce sont des ados, et leur avis est pris en compte obligatoirement, ils peuvent refuser … On ne proposera que des pré-ados qui souhaitent une vie de famille !
 
– Vous parlez lors de la conférence de mineurs étrangers isolés ?

Cécile Delannoy : Ce que je sais, parce ce que je l’ai entendu de plusieurs sources, c’est la facilité de la relation avec les adolescents mineurs isolés. Lorsque la mise en relation s’organise par le biais de l’Aide sociale à l’Enfance. Ils sont venus de l’étranger. Ils n’ont aucune violence. Ils sont très étonnés des manifestations des jeunes d’ici. Ils disent : « Mais ils ont tout ! Ils ont tout ! Qu’est-ce qu’ils réclament ? ». Ils font le délice des parrains et des tiers, qui se retrouvent assez vite dans le rôle de grands-parents. Parce que des jeunes accueillis à 16-17 ans deviennent de jeunes adultes, qui s’installent dans la vie. Et les tiers bénévoles, qui n’ont jamais été parents au sens strict, deviennent grands parents de cœur ! Ils finissent par là où ils auraient voulu commencer, ils chérissent des bébés !

Marie-Laure Bouet –Simon : Je voudrais revenir sur les mineurs non accompagnés. C’est vrai qu’on a l’expérience de plusieurs situations. Moi, ce qui m’a frappée chez ces jeunes, c’est le fait qu’ils ont des assisses solides, en terme de construction et de développement. Pas tous les mineurs non accompagnés, mais un bon nombre. Ils ont une construction qui fait que, effectivement, et là je rejoins Cécile, les relations se font facilement avec les adultes qu’ils rencontrent.


– Dans le cadre du statut de tiers durable bénévole, on comprend qu’il faut du temps pour « apprivoiser » un enfant, dont je cite : le parcours a été cahotique au sein de l’ASE. Comment cela se passe concrètement ?

Karine Nivelais : Il m’est arrivé à plusieurs reprises de parler de cette possibilité auprès d’un auditoire. Des questions émergeaient sur le fait que c’était des enfants qui avaient pour la plupart un parcours de vie antérieure un peu complexe. Il semblait nécessaire de prendre le temps de les accueillir, de leur faire une place, de les sécuriser. Mais comment le faire en l’absence d’un statut officiel, qui ouvre des droits à un congé d’adoption comme le statut de parent adoptif. Voilà. Quels étaient les moyens et/ou bricolages possibles pour se donner le temps de faire connaissance et de se sécuriser mutuellement ? Le statut de tiers bénévole apporte des réponses, mais pas complètement.

Marie-Laure Bouet-Simon : Les enfants de l’ASE ont souvent eu un parcours de vie chaotique. Les difficultés – notamment d’attachement – que de nombreux enfants de l’ASE connaissent, ont des répercussions sur les relations qu’ils développent ensuite avec les différentes personnes qu’ils rencontrent. Et c’est par rapport à ces difficultés là – ce sont avec ces difficultés là – que les tiers ou les adoptants ont à faire.

Je te rejoins Karine. Effectivement, il n’y a pas de droit ouvert pour les tiers. On est en train de travailler sur un projet de tiers, mis en place pour un jeune de 15 ans. Projet qui évolue vers une adoption. On est passé par un grand nombre de week-ends et de temps de vacances où les candidats tiers se sont débrouillés, ont aménagé leur temps. C’est vrai qu’on doit faire avec les disponibilités des uns et des autres. Cela demande de la souplesse de part et d’autre : de la part des tiers, de la part du service qui les accompagne. Mais c’est possible.

 
– Quelles démarches doit-on réaliser et auprès de quelles institutions pour demander l’obtention du statut de tiers durable et bénévole ?

On n’obtient pas le statut comme on obtient l’agrément (qui est un droit théorique à adopter), on obtient le statut de tiers en devenant tiers, c’est-à-dire en se voyant confier un enfant.
Il vous faut donc vous adresser au service adoption ou au service Ase de votre département. Si vous n’avez pas l’agrément adoption, une évaluation, ce qui est différent d’un agrément, sera effectué et, selon le profil de l’enfant et la définition de votre projet, une situation d’enfant pourra être proposée.
Ce statut est nouveau et selon les départements, il est plus ou moins intégré dans les dispositifs et les alternatives proposées.


– Quels sont les départements qui mettent en place le statut de tiers pour un accueil durable et bénévole ?

Les départements du Nord, Pas de Calais, Calvados, Orne et Loire-Atlantique par exemple connaissent et utilisent le statut de tiers. Ils ne sont pas nombreux. Mais ces départements sont susceptibles de chercher des tiers bénévoles pour accueillir des enfants, y compris dans d’autres départements s’ils ne trouvent pas dans le leur.

– J’avais assistée à la conférence sur les alternatives à l’adoption. Le statut de tiers bénévole et durable avait retenu mon attention.
Je me suis rapprochée du service famille de mon département. Ils n’ont pas connaissance de ce statut et ne le pratiquent pas. Y a-t-il une liste des départements qui pratiquent ce statut ?
Peut-on faire des demandes hors département ? comment est-ce possible que d’un département à l’autre ce statut n’existe ou n’existe pas ? Ils ne parlent que du métier d’assistant familial qui lui ne m’intéresse pas du tout…

Il est clair que tous les départements ne sont pas au même niveau d’information sur ces questions de statut et sur la déclinaison des pratiques qui devrait suivre. Il est notamment navrant qu’il y ait des confusions entre assistant familial et tiers durable et bénévole.
 
Il est important que les candidats se fassent connaitre et puissent envoyer leur candidature à d’autres départements. Cela permettra peut-être que les équipes départementales se saisissent davantage de ces alternatives, se documentent et osent initier des ouvertures dans ce sens dans leur service.
Cela rappelle la situation des adoptions d’enfants grands il y a quelques années. Très peu de départements pouvaient imaginer, penser des adoptions très tardives. Il a fallu un point de départ et le premier Organisme régional de concertation à l’adoption a certainement été l’amorce d’une évolution. Je pense que nous en sommes là pour les statuts alternatifs. Oser mettre en œuvre de tel projet pour certains enfants notamment des plus de 10 ans est le défi d’aujourd’hui. De plus, il vient montrer à quel point la loi doit encore avancer quand il s’agit de penser des projets de vie pour des enfants confiés à l’ASE, non pupilles mais avec une impossibilité de retour dans leur famille.


– Nous sommes intéressés par le parrainage de proximité. Comment faire s’il n’y a pas d’associations de parrainage dans notre département ?

Cécile Delannoy : je vois quatre solutions.

Solution 1 – Trouver des alliés parmi les candidats à l’adoption adhérents à EFA et/ou parmi vos amis. Ceci afin créer vous-même une association de parrainage dans votre département. Vous entrez en relation avec des associations qui existent dans d’autres départements pour récupérer des statuts tout faits (la charte nationale du parrainage est sur internet).
Avantages : vous travaillez pour le long terme, c’est très généreux.
Inconvénient : ce que vous voulez, c’est parrainer tout de suite, et là il y a forcément un assez long délai.

Solution 2 – Vous prenez contact avec des assistantes sociales de quartier et/ou avec le service qui gère les mineurs non accompagnés (migrants de 13 à 18 ans). Vous leur expliquez que vous envisagez d’accueillir un enfant à titre de parrain, hors association. Il est plus facile d’accueillir un migrant. Les services des départements ont pris de l’avance en ce domaine. Ils pratiquent le parrainage de fait, sans référence à la charte nationale. Comme il s’agit de jeunes déjà âgés, ils vont atteindre la majorité assez vite. Vous resterez en lien avec eux… Cela vous aura permis d’attendre que l’idée chemine chez les assistantes sociales et qu’elles vous sollicitent pour un enfant plus jeune. Qui sont ces jeunes migrants, mineurs isolés ? La plupart sont parfaitement paisibles, trop heureux après ce qu’ils ont traversé de trouver des familles accueillantes. Tous ceux qui en ont fait l’expérience sont d’accord pour dire que c’est riche et « facile ». La mise en relation est faite après sélection par le service départemental, qui vérifie la mise en adéquation et les profils des parrains/filleuls des deux côtés.

Solution 3 – Vous vous renseignez sur internet sur les départements voisins du vôtre. Ont-ils une association de parrainage ? Si oui, vous postulez pour être parrain hors limite de votre département. Pour peu que vous habitiez à proximité des frontières de votre département, les enfants à parrainer peuvent être assez proches de ces frontières. Vous habitez loin des frontières de votre département ? Si faire un peu de route pour aller chercher un enfant ne vous fait pas peur, vous leur faites offre de service.

Solution 4 – Une association de parrainage existe dans un département voisin. Vous leur proposez de créer dans votre département une antenne de leur association. Personnellement, nous sommes en train de le faire dans l’Aude. Evidemment ça prend un peu plus de temps, mais vous évitez d’avoir à déposer des statuts, à trouver un(e) président(e), à tenir des AG etc.
Le plus simple, le plus sûr, est à l’évidence l’accueil d’un jeune migrant … mais sans doute espérez-vous parrainer un enfant plus jeune ! Bon courage !

               
– Doit-on avoir un agrément ou être dans un projet d’adoption pour être tiers bénévole?
A qui s’adresse-t-on pour devenir tiers bénévole ?

Non, l’agrément n’est pas nécessaire pour être tiers. Il y aura cependant un entretien avec un(e) psychologue des services ASE, c’est bien normal.
A qui s’adresse-t-on ? Théoriquement tous les départements devraient en connaître l’existence, pratiquement seuls quelques départements prennent en compte la loi famille de mars 2016 qui n’est pas encore entrée dans les mœurs des services. Il peut être utile, dans le même département, de s’adresser successivement au service adoption ET au service ASE généraliste, et de leur suggérer, s’ils ignorent ce statut, de prendre contact avec le département du Calvados, donc avec Marie-Laure Bouet-Simon ! Merci d’être insistant, vous rendrez service à beaucoup de candidats et à beaucoup d’enfants en faisant avancer la situation.

– Je suis membre de conseil de famille. Depuis plusieurs années, et nous avons essayé des parrainages pour des enfants pupilles. Ce fut un échec. C’était des enfants, qui n’étaient pas adoptables, avec problème psychiques et abîmés. Les parrains n’étaient pas préparés à ce type d’enfants. Je me demande si aujourd’hui, un statut de tiers bénévole n’aurait pas été préférable : faire dans la dentelle et plus accompagné…

Marie-Laure Bouet-Simon : « Ce sont des projets très particuliers : une bonne connaissance de l’enfant et en face une bonne connaissance des candidats est nécessaire. Un gros travail de préparation et d’accompagnement est indispensable. C’est pour cela que le tiers bénévole est mieux adapté que le parrainage pour un pupille de l’état. Vu que le tiers bénévole est un statut qui n’existait pas, nous avons pu avoir recours à des parrainages qui ont abouti à des adoptions dans le Calvados. La question qui se pose sont les candidats : il faut des personnes averties et préparées. C’est une question centrale auprès des services adoption des départements : quels moyens sont mis en œuvre pour le garantir ? ».

– Quand on parraine, combien de temps cela dure-t-il ?

Cécile Delannoy : « Le parrainage peut durer toute une vie. Ma sœur parraine depuis 35 ans. Mais là où c’est intéressant, c’est qu’on peut aussi accueillir un enfant sur une durée déterminée : en vacances par exemple. Je pense également aussi aux accueils par le Secours Catholique ou le Secours Populaire ».

Maryse, maman adoptive, qui parraine également depuis cinq ans : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ajouterai simplement attention à l’enfant. Ne pas l’oublier ! Il existe des parrainages courts, longs. Lorsque l’on s’engage dans un parrainage auprès d’un enfant, il faut que l’on sache si cela est une semaine pendant les vacances ou pour toute une vie.
Alors si c’est pour toute une vie, même si un enfant arrive dans la famille, ce filleul-là ne doit pas disparaître de notre vie. Par contre si c’est pour un parrainage court, même si cela n’est que durant les vacances, l’enfant attend peut-être tout de même plus. Il ne faut pas oublier cet enfant-là.
Nous avons tous eu dans notre vie des expérimentations sans danger pour l’enfant avant d’en accueillir un à la maison, et c’est comme cela que l’on apprend. Mais attention à la fragilité des enfants parrainés. Parce qu’ils ont des parcours de vie très complexe, alors ne pas rajouter une fragilité à ça. Il ne faut pas les oublier.
C’est plus un message aux travailleurs sociaux qui proposeront le parrainage. Qu’ils n’oublient pas l’enfant dans tout ça ».

Professionnels (travailleurs sociaux, psychologues, assistants familiaux, associations de parrainage, administrateurs d’associations départementales d’Enfance et Familles d’Adoption, …) et membres de Conseils de Famille


– Pour le statut de tiers bénévole est- ce que des enfants de tous âges peuvent être confiés ? Ou sont-ce plutôt des adolescents ?

A partir de 4-5 ans jusqu’à 13-14 ans, moyenne d’âge 8-9 ans. Oui, l’accueil d’un enfant assez jeune est possible, ce ne sont pas nécessairement des préados. A partir de 13 ans ce sont des ados, et leur avis est pris en compte obligatoirement, ils peuvent refuser … On ne proposera que des pré-ados qui souhaitent une vie de famille !
 

– Nous nous attendions à ce que le statut de famille d’accueil soit abordé à un moment donné, mais il n’en a pas été le cas, pour quelle raison ?

Nous y avions pensé, dans une version antérieure du livre cela figurait, mais le statut de famille d’accueil est un statut salarié, c’est un métier, il nous a paru finalement préférable de ne pas tout mélanger.
Un enfant accueilli en famille d’accueil est un enfant qui est et reste confié à l’Aide sociale à l’enfance. L’objectif, quand cela est possible est de proposer à l’enfant une sortie du dispositif ASE, un statut pérenne et une situation au plus proche d’une réalité de vie familiale lui permettant de répondre à des besoins d’attachement et d’appartenance, comme c’est le cas avec les « tiers ».
Dans certaines familles d’accueil, qui sont des professionnelles, les enfants sont intégrés, pour certains affiliés, mais ce n’est pas généralisé. Être famille d’accueil est une activité professionnelle, une situation qui du côté de l’enfant n’est pas, de fait, définitive.

– Quelle est la différence entre le statut de tiers durable et bénévole et celui de famille d’accueil ?

L’assistant(e) familial(e) est une personne salariée travaillant pour l’ASE. Il fait partie d’une équipe. Un accompagnement de l’enfant et de l’assistante familiale est assuré par une équipe pluridisciplinaire. Les enfants sont le plus souvent confiés sur décision du juge des enfants qui revoit régulièrement la situation et qui, selon l’évolution peut ou non reconduire le placement. Rien n’est donc définitif quand un enfant est en famille d’accueil.
Le tiers bénévole s’adresse à d’autres enfants, non confiés par le juge. Le tiers est dans une démarche gratuite, bénévole ce qui aux yeux de l’enfant est une grande différence. On s’intéresse à lui pour ce qu’il est. Ce statut peut être évolutif. De plus avec le tiers on est dans une réelle adoption affective, qui n’a pas a priori de limite dans le temps. Le tiers est choisi pour être plus stable, plus définitif que la famille d’accueil !
L’horizon de la famille d’accueil c’est le départ de l’enfant, même si parfois les liens perdurent longtemps ! L’horizon du tiers c’est de connaître les enfants de son enfant, c’est une adoption affective …

– J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre livre « Des alternatives à l’adoption pour les enfants délaissés ou en danger ». Notre association de parrainage réfléchit depuis quelques années à cette possibilité de présenter le parrainage comme une alternative à l’adoption.
Nous nous sommes, jusque-là, heurtés à des difficultés de mise en œuvre de ce projet. En effet, il a paru difficile aux responsables du service adoption de notre département, de présenter cette possibilité aux candidats à l’adoption lors de la première séance d’information. Nous souhaitons savoir comment d’autres départements l’ont mis en place.
Notre question est donc « Comment présenter cette alternative à l’adoption sans qu’il y ait confusion ou amalgame ? Lors d’une première réunion d’information ou en dehors de celle-ci ? »

Concernant le parrainage : le parrainage est-il vraiment une alternative à l’adoption, ou s’agit-il d’autre chose ?

Tout dépend du sens qu’on donne au mot alternative ! Jusqu’où accepte-t-on que l’alternative s’éloigne du modèle initial ? Si vous voulez, grimpons ensemble dans l’arbre des possibles.
Il s’agit dans tous les cas de donner du temps et de témoigner intérêt et affection à un enfant (à un jeune mineur). Il s’agit là du tronc de l’arbre, commun aux parents, aux tiers, et aux parrains.
On arrive à une bifurcation, selon que ce temps accordé à l’enfant est limité à des moments privilégiés mais n’est pas coextensif à l’emploi du temps de chacun, ou au contraire que ce temps accordé remplit entièrement le temps de l’adulte (même s’il est séparé parfois de l’enfant qui est en camp de vacances ou en voyage scolaire ou chez un ami, il en reste responsable en permanence). D’un côté le temps partiel du parrainage, de l’autre le temps entièrement partagé avec l’enfant qui est le temps du parent (et qui donne un sentiment de possession : « mon enfant », alors qu’un enfant n’est pas une possession !).
Le temps partiel, c’est le parrainage. Mais pour ceux qui le vivent, lorsque tout se passe au mieux, ce temps partiel irrigue totalement la vie de l’un et de l’autre, l’enfant et l’adulte. Ils vivent avec intensité le bonheur de ces moments privilégiés, qui ne s’use pas dans les contraintes du quotidien (« ferme ta porte, ne fais pas tant de bruit, t’es-tu bien lavé les mains avant de passer à table, as-tu fait tes devoirs ? » … ). Les parrains reçoivent souvent, à l’adolescence de leurs filleuls, des confidences que les jeunes ne font pas à leurs parents, leurs premières amours, leurs premiers rêves de vie adulte. Si bien que certains adultes, qui ont déjà pratiqué le parrainage, le vivent comme une véritable alternative à l’adoption, parce qu’ils y trouvent le bonheur qu’ils cherchaient. Bonheur donné et bonheur reçu.
Pour les adultes candidats déclarés à l’adoption, qui rêvent d’un enfant à côté d’eux, chez eux, en permanence, qui acceptent le risque de l’usure du temps, le risque des hauts et des bas de la relation parents-enfants (sauf exceptions), le parrainage n’est pas une alternative acceptable ! Ils grimpent donc plus haut dans l’arbre, jusqu’à la bifurcation « adoption » et « statut de tiers », la branche adoption se divisant elle-même en simple ou plénière. A ceux-là, inutile de présenter le parrainage comme une alternative ! Mais on peut leur signaler que faire l’expérience du parrainage pourrait être riche d’expérience pour eux, et tellement utile à certains enfants.
Car l’autre volet de la réflexion, à ne surtout pas oublier, c’est le besoin de l’enfant : certains rêvent d’une famille unie, chaleureuse, accueillante, une famille pour la vie, pour être comme les autres, pour sentir en sécurité, le parrainage est un pis-aller pour eux ! Mais d’autres se méfient trop de la vie de famille pour l’accepter aussitôt, ils ont besoin du parrainage pour se réconcilier avec le monde adulte … et peut-être souhaiteront-ils plus tard une évolution de leur statut.

Personnellement je ne présente plus le parrainage comme une alternative à l’adoption : c’est autre chose, et ça n’est pas exclusif de l’adoption. On peut parrainer, puis adopter un autre enfant en continuant à parrainer, ou l’inverse, adopter puis parrainer un enfant qui sera un compagnon pour l’enfant adopté …

Dans la pratique, présenter le parrainage lors d’une première réunion de postulants amène la confusion ! Oui, je le crois. D’autant que le parrainage concerne également beaucoup d’enfants pas du tout suivis par l’ASE, le public est sensiblement différent.

– Le service adoption dans notre département nous déconseille de mener les deux projets en même temps : être postulant à l’adoption et être candidat au parrainage. Qu’en dites-vous ?

D’une manière générale les professionnels insistent pour que les candidats aient fait un choix clair. Pour eux, ils déconseillent de mener les deux projets de front. C’est un point qui me taquine … Il me semble qu’on peut être ouvert à plusieurs hypothèses, du moins si on ne les hiérarchise pas trop !
Je dirais que parrainer un enfant est compatible avec l’attente d’une adoption si les âges des enfants sont suffisamment différents ! Parrainer un préado et attendre l’apparentement avec un enfant de moins de 6 ans, ça me semble psychologiquement sans risque.

– Quels sont les départements qui mettent en place le statut de tiers pour un accueil durable et bénévole ?

Les départements du Nord, Pas de Calais, Calvados, Orne et Loire-Atlantique par exemple connaissent et utilisent le statut de tiers. Ils ne sont pas nombreux. Mais ces départements sont susceptibles de chercher des tiers bénévoles pour accueillir des enfants, y compris dans d’autres départements s’ils ne trouvent pas dans le leur.

– J’avais assistée à la conférence sur les alternatives à l’adoption. Le statut de tiers bénévole et durable avait retenu mon attention.
Je me suis rapprochée du service famille de mon département. Ils n’ont pas connaissance de ce statut et ne le pratiquent pas. Y a-t-il une liste des départements qui pratiquent ce statut?
Peut-on faire des demandes hors département? comment est-ce possible que d’un département à l’autre ce statut n’existe ou n’existe pas? Ils ne parlent que du métier d’assistant familial qui lui ne m’intéresse pas du tout…

Il est clair que tous les départements ne sont pas au même niveau d’information sur ces questions de statut et sur la déclinaison des pratiques qui devrait suivre. Il est notamment navrant qu’il y ait des confusions entre assistant familial et tiers durable et bénévole.
 
Il est important que les candidats se fassent connaitre et puissent envoyer leur candidature à d’autres départements. Cela permettra peut-être que les équipes départementales se saisissent davantage de ces alternatives, se documentent et osent initier des ouvertures dans ce sens dans leur service.
Cela rappelle la situation des adoptions d’enfants grands il y a quelques années. Très peu de départements pouvaient imaginer, penser des adoptions très tardives. Il a fallu un point de départ et le premier Organisme régional de concertation à l’adoption a certainement été l’amorce d’une évolution. Je pense que nous en sommes là pour les statuts alternatifs. Oser mettre en œuvre de tel projet pour certains enfants notamment des plus de 10 ans est le défi d’aujourd’hui. De plus, il vient montrer à quel point la loi doit encore avancer quand il s’agit de penser des projets de vie pour des enfants confiés à l’ASE, non pupilles mais avec une impossibilité de retour dans leur famille.

 

– Question émanant d’un membre du Conseil d’Administration d’une association départementale EFA :
Dans notre département, nous avons de nombreux postulants qui arrivent en fin d’agrément, voire en fin de second agrément. Comment aider certains à cheminer vers un autre projet d’alternatives à l’adoption ? Comment peut-on les accompagner en ce sens (court-terme et long-terme) ?

Nous créons un forum dédié aux statuts de tiers bénévoles et tiers dignes de confiance, pour accompagner et favoriser ces évolutions. Merci de le faire savoir.
Un déclencheur peut être la lecture du livre « Les Alternatives à l’Adoption » rédigé par Cécile Delannoy et Marie-Laure Bouet-Simon. Merci de le communiquer dans vos journaux des Associations départementales, dans vos mels, dans vos posts facebook. Les Associations départementales qui ont des bibliothèques, peuvent l’acquérir pour le faire circuler.

A l’occasion d’une Assemblée Générale, avez-vous l’habitude de faire un exposé de fond ? Ce serait le bon moment pour annoncer que vous avez cette réflexion, qu’il est possible de cheminer et de penser un autre projet. A tout moment, vous avez l’opportunité d’organiser une conférence, des ateliers sur ce thème. La conférence peut se faire en présentiel ou en visio avec Cécile Delannoy et/ou Marie-Laure Bouet-Simon qui interviennent pour 30 minutes d’exposé et pendant une heure pour échanger avec le public et répondre aux questions. Pour des départements proches des leurs (Normandie et Sud-Est de la France), elles peuvent se déplacer physiquement.


– Question émanant d’un membre de Conseil de Famille :
Comment faire pour sensibiliser certains membres des Conseils de Famille, les travailleurs sociaux mais aussi les juges ? Quand nous constatons que des enfants placés grandissent, tout en n’ayant pas une figure d’attachement sécure avec leurs parents biologiques ?

La sensibilisation des conseils de famille et des professionnels passe notamment par la formation. Force est de constater que ces opportunités de formation ne sont guère fréquentes ! D’où l’intérêt d’avoir des associations comme Enfance et Familles d’Adoption qui puissent les sensibiliser comme avec cette vidéoconférence.

– Être dans l’attente d’un apparentement et vouloir parrainer un enfant est compatible ou déconseillé ?

Toute situation est singulière. Si un couple ou une personne vient juste d’avoir l’agrément, on peut penser que compte tenu de la moyenne d’attente pour qu’un projet d’adoption se réalise, penser parrainage ou tiers n’est pas incompatible, au contraire.
Si l’apparentement est proche, si vous avez des chances d’aboutir rapidement, ce n’est peut-être pas le bon moment pour investir dans le parrainage. Mais comme en général l’apparentement est un horizon assez lointain voire improbable, parrainer constitue une excellente expérience. Et puis cela dépend aussi des âges des enfants. On peut parrainer un grand en attendant un petit : peu de risques de jalousie en ce cas chez les enfants …
Là encore, on ne peut pas généraliser les situations, mais les traiter au cas par cas.

– Je suis membre de conseil de famille. Depuis plusieurs années, et nous avons essayé des parrainages pour des enfants pupilles. Ce fut un échec. C’était des enfants, qui n’étaient pas adoptables, avec problème psychiques et abîmés. Les parrains n’étaient pas préparés à ce type d’enfants. Je me demande si aujourd’hui, un statut de tiers bénévole n’aurait pas été préférable : faire dans la dentelle et plus accompagné…

Marie-Laure Bouet-Simon : « Ce sont des projets très particuliers : une bonne connaissance de l’enfant et en face une bonne connaissance des candidats est nécessaire. Un gros travail de préparation et d’accompagnement est indispensable. C’est pour cela que le tiers bénévole est mieux adapté que le parrainage pour un pupille de l’état. Vu que le tiers bénévole est un statut qui n’existait pas, nous avons pu avoir recours à des parrainages qui ont abouti à des adoptions dans le Calvados. La question qui se pose sont les candidats : il faut des personnes averties et préparées. C’est une question centrale auprès des services adoption des départements : quels moyens sont mis en œuvre pour le garantir ? ».

– Quand on parraine, combien de temps cela dure-t-il ?

Cécile Delannoy : « Le parrainage peut durer toute une vie. Ma sœur parraine depuis 35 ans. Mais là où c’est intéressant, c’est qu’on peut aussi accueillir un enfant sur une durée déterminée : en vacances par exemple. Je pense également aussi aux accueils par le Secours Catholique ou le Secours Populaire.
Pour des couples postulant à l’adoption, qui vivent depuis plus de 15 ans sans enfants, ces parrainages sont des possibilités. Ces couples, ne se rendent absolument pas compte du bouleversement de vie que cela peut avoir sur leur couple, le fait d’avoir des enfants. Je pense que l’expérience de l’accueil en vacances ou celui du parrainage, cela procure une connaissance de soi face à des enfants. Cela est précieux !
Je souhaiterai qu’un couple postulant à l’adoption, âgés de 40-45 ans, aie cette expérience-là. Celle d’un enfant étranger, qui arrive chez eux et qui sera avec eux pour un certain temps. Comment ils le vivent ? Est-ce qu’ils maintiennent leur projet d’adoption après ? Est-ce qu’ils se sentent réellement prêts à adopter ».

Maryse, maman adoptive, qui parraine également depuis cinq ans : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ajouterai simplement attention à l’enfant. Ne pas l’oublier ! Il existe des parrainages courts, longs. Lorsque l’on s’engage dans un parrainage auprès d’un enfant, il faut que l’on sache si cela est une semaine pendant les vacances ou pour toute une vie.
Alors si c’est pour toute une vie, même si l’adoption arrive, cet enfant-là ne doit pas disparaître de notre vie. Par contre si c’est pour un parrainage court, même si cela n’est que durant les vacances, l’enfant attend peut-être tout de même plus. Il ne faut pas oublier cet enfant-là.
Nous avons tous eu dans notre vie des expérimentations sans danger pour l’enfant avant d’en accueillir un à la maison, et c’est comme cela que l’on apprend. Mais attention à la fragilité des enfants parrainés. Parce qu’ils ont des parcours de vie très complexe, alors ne pas rajouter une fragilité à ça. Il ne faut pas les oublier.
C’est plus un message aux travailleurs sociaux qui proposeront le parrainage. Qu’ils n’oublient pas l’enfant dans tout ça ».

Les services ASE (Aide sociale à l’Enfance) ou Adoption ou Projets de vie ou Accompagnement dans les départements


– Quel accompagnement peut offrir mon département pour les tiers bénévoles ?

Marie-Laure Bouet-Simon : « Il y a une très grande hétérogénéité au niveau des fonctionnements départementaux, dans les services qu’ils peuvent proposer. Dans les départements que je connais, ce sont les travailleurs sociaux du département qui assurent l’accompagnement des Tiers. Dans le Calvados, le parrainage est aussi lié au département, Là toutes les configurations sont possibles. Là encore l’important c’est que les choses existent ».

Intissar Koussa, France Parrainage : « Les enfants délaissés, qui sont confiés à des familles d’accueil ou à des foyers, continuent d’être suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ce suivi devrait s’étendre aux enfants confiés à des tiers. Dans la loi, il est précisé qu’avant même d’envisager de le confier à une famille d’accueil ou à un foyer on peut le confier à un tiers bénévole. Dans l’ordre : le tiers bénévole est cité en premier. On note que l’autorité parentale reste détenue par l’ASE. Le statut de tiers bénévole devrait bénéficier du même encadrement que les autres statuts. Il n’y a pas de raison que l’on fasse des économies sur des postes de psychologues ou de travailleurs sociaux dans les services sous prétexte que l’on a confié l’enfant à une famille bénévole ».

Karine Nivelais, Fédération Enfance et Familles d’Adoption : « L’intérêt des familles qui accueillent un enfant par ce statut de tiers bénévole, est qu’elles puissent se regrouper dans une association. Marie-Laure parle de statuts, qui sont en train d’émerger. Aujourd’hui, les réponses satisfaisantes ne sont pas encore construites. Elles sont à construire. Effectivement, on a besoin de plus de pionniers tels que Marie-Laure et Cécile et peut-être chacun de nous, pour construire tout ça, chacun apporte « sa partie ». Je suis convaincue que l’accompagnement est vraiment une pierre angulaire, pour que ce dispositif soit opérationnel. Et qu’il réponde au mieux aux besoins de l’enfant ».

Intissar Koussa, France Parrainage : « Les expériences que vous avez détaillées, ne peuvent que souligner l’importance de l’accompagnement. Il est important de rappeler que ce soit dans le parrainage ou dans le statut tiers bénévole, qu’on doive accompagner non seulement l’enfant mais aussi le bénévole ».

– Dans le cas d’un candidat à l’adoption ayant obtenu l’agrément qui se proposerait comme tiers bénévole, est-ce que le profil de l’enfant confié serait forcément dans les clous de la notice ?

Il est probable que les professionnels qui géreront le dossier tiendront compte de ce qui est dit dans les rapports pour l’agrément, il est possible qu’ils fassent des propositions un peu hors bornes mais vous resterez libre d’accepter ou pas.
Actuellement, les services d’adoption peuvent être très indépendants des services ASE qui prennent en charge les enfants « placés ». Mais si le statut de tiers se développait, qui en serait chargé ? Si cela devenait une des possibilités d’alternatives à l’adoption, on peut penser que le service d’adoption en aurait la responsabilité et tiendrait évidemment compte de ce qui a été dit lors de l’agrément.
Ce service cherche un tiers pour un enfant. Si vous vous proposez comme tiers, vous préciserez si vous en restez aux limites indiquées lors de l’agrément ou si vous élargissez le profil, ce sera je pense à vous de le dire !
 

– Quelles démarches doit-on réaliser et auprès de quelles institutions pour demander l’obtention du statut de tiers durable et bénévole ?

On n’obtient pas le statut comme on obtient l’agrément (qui est un droit théorique à adopter), on obtient le statut de tiers en devenant tiers, c’est-à-dire en se voyant confier un enfant.
Il vous faut donc vous adresser au service adoption ou au service Ase de votre département. Si vous n’avez pas l’agrément adoption, une évaluation, ce qui est différent d’un agrément, sera effectuée et, selon le profil de l’enfant et la définition de votre projet, une situation d’enfant pourra être proposée.
Ce statut est nouveau et selon les départements, il est plus ou moins intégré dans les dispositifs et les alternatives proposées.

– Je suis postulant à l’adoption. Suite à la lecture de votre livre, je suis allé voir le service adoption, qui porte le nom de statuts et adoption dans mon département. Afin de les questionner sur ces statuts d’alternatives à l’adoption, qui m’intéressent. A ma surprise, le travailleur social m’a répondu que cela ne se pratique pas. Comment faire dans ce cas ?

Les statuts de tiers sont connus par exemple par les professionnels du Nord, du Pas de Calais, de l’Orne et Calvados par exemple. Dans ces départements, ils cherchent des candidats au statut de tiers. On peut donc s’adresser directement à ces départements, si le vôtre ne veut rien entendre. Mais vous pouvez aussi leur expliquer que la loi de mars 2016 est votée depuis quatre ans et appliquée dans plusieurs départements !  

– Quels sont les départements qui mettent en place le statut de tiers pour un accueil durable et bénévole ?

Les départements du Nord, Pas de Calais, Calvados, Orne et Loire-Atlantique par exemple connaissent et utilisent le statut de tiers. Ils ne sont pas nombreux. Mais ces départements sont susceptibles de chercher des tiers bénévoles pour accueillir des enfants, y compris dans d’autres départements s’ils ne trouvent pas dans le leur.

– Dans notre département, le service adoption porte également le titre projets de vie. Ce service ne dispose pas de moyens humains supplémentaires pour les « projets de vie ». Comment peuvent-ils accompagner les candidats aux projets de vie dans ces conditions ?

Un service porte le nom de « adoption et projets de vie  » : l’intitulé au moins est clair et va au-delà de l’adoption. Pour le reste nous sommes face à la réalité des moyens dédiés à la protection de l’enfance : moyens insuffisants, manque de feuille de route claire, manque de personnel formé. Il faudrait au moins que tout cela remonte au niveau ministériel. Il faudrait par exemple que les tuteurs et conseils de famille fassent pression sur leur responsable à savoir l’Etat.
Ceci dit, il faut pour le moment faire avec ce qui existe.

Par exemple concernant un pupille, penser tiers durable est possible. Dans la mise en œuvre d’un projet de tiers ou d’adoption, on est dans un processus d’accompagnement similaire.

Quel que soit l’intitulé des services, ils ont dans leur mission l’accompagnement des enfants qui leur sont confiés, quel que soit leur lieu de vie, qu’il s’agisse de foyer, d’assistant(e) familial(e) (dites familles d’accueil) ou de tiers … Donc ils peuvent faire un minimum d’accompagnement, même si leur effectif est faible.

Il y a encore beaucoup de services qui ne sont pas au fait avec les apports de la loi de 2016. Il faut orienter les candidats vers les départementaux qui sont plus en avance. Je pense que cela peut entraîner un mouvement pouvant se généraliser.

– Je suis au début de la demande d’agrément (j’ai eu pour l’instant 2 rdv avec l’éducatrice spécialisée et 1 avec la psychologue). Toutes deux ont dès le début mentionné l’adoption simple et ont pu me renseigner mais dans l’ensemble je suis frappée par l’absence générale d’informations concernant ce type d’adoption qui m’intéresse personnellement.
Je voudrais savoir à quoi cela est dû d’après vous.
Y a-t-il des pays qui favoriseraient davantage l’adoption simple tout en restreignant l’adoption plénière ?

La réponse est, je crois historique. Avant 1968, toute naissance hors mariage mettait la jeune mère au ban de la société ou presque. Les familles poussaient alors celle-ci à accoucher sous x et à laisser son enfant à la maternité. Aucun problème alors de lien avec la famille de naissance. Les enfants étaient adoptés en adoption plénière, souvent ils n’avaient pas de nom à la naissance (deux prénoms pas de nom de famille). L’adoption plénière allait de soi. Avant 1968, les parents adoptifs adoptaient en principe des bébés en adoption plénière.
L’adoption simple en revanche était le recours pour des enfants plus âgés, en particulier dans les cas de remariage après décès d’un membre du couple : le nouveau conjoint adoptait en adoption simple l’enfant de son ou sa partenaire. Et ça ne posait aucun problème car c’était évidemment bien accepté par la société. Pas secret. L’adoption simple se pratiquait donc par un des deux conjoints, l’autre étant déjà parent biologique.
Si on remonte plus loin encore dans le temps, au départ tout était adoption simple. On disait adoption tout court. Vers 1960 dans mon souvenir, il y a eu une affaire célèbre (affaire Novac). Des parents bio redemandaient un enfant qu’ils avaient confié auparavant à l’adoption. L’enfant avait peut-être deux ans, il y a eu procès et ça a trainé. Les juges ont décidé de laisser l’enfant à ses parents adoptifs : c’était l’intérêt supérieur de l’enfant, totalement attaché à la famille qui l’élevait depuis tout petit. L’adoption plénière a donc été décidée par une loi pour sécuriser les adoptions après abandon d’enfant. Pas de retour en arrière possible. Donc les services ASE ne connaissaient pratiquement que celle-là.
Dans les pays étrangers, on ne peut pas comparer, car les législations ne sont pas les mêmes. L’accouchement sous X n’existe pas. Il peut n’y avoir qu’une sorte d’adoption.
L’évolution des mœurs amène une évolution des formes d’adoption, le statut d’adoption simple est aujourd’hui remanié et sécurisé pour mieux s’adapter à la nouvelle réalité sociale, sans couper tout lien avec l’origine quand c’est l’intérêt de l’enfant.

– Je suis membre de conseil de famille. Depuis plusieurs années, et nous avons essayé des parrainages pour des enfants pupilles. Ce fut un échec. C’était des enfants, qui n’étaient pas adoptables, avec problème psychiques et abîmés. Les parrains n’étaient pas préparés à ce type d’enfants. Je me demande si aujourd’hui, un statut de tiers bénévole n’aurait pas été préférable : faire dans la dentelle et plus accompagné…

Marie-Laure Bouet-Simon : « Ce sont des projets très particuliers : une bonne connaissance de l’enfant et en face une bonne connaissance des candidats est nécessaire. Un gros travail de préparation et d’accompagnement est indispensable. C’est pour cela que le tiers bénévole est mieux adapté que le parrainage pour un pupille de l’état. Vu que le tiers bénévole est un statut qui n’existait pas, nous avons pu avoir recours à des parrainages qui ont abouti à des adoptions dans le Calvados. La question qui se pose sont les candidats : il faut des personnes averties et préparées. C’est une question centrale auprès des services adoption des départements : quels moyens sont mis en œuvre pour le garantir ? ».

– Quand on parraine, combien de temps cela dure-t-il ?

Cécile Delannoy : « Le parrainage peut durer toute une vie. Ma sœur parraine depuis 35 ans. Mais là où c’est intéressant, c’est qu’on peut aussi accueillir un enfant sur une durée déterminée : en vacances par exemple. Je pense également aussi aux accueils par le Secours Catholique ou le Secours Populaire.
Pour des couples postulant à l’adoption, qui vivent depuis plus de 15 ans sans enfants, ces parrainages sont des possibilités. Ces couples, ne se rendent absolument pas compte du bouleversement de vie que cela peut avoir sur leur couple, le fait d’avoir des enfants. Je pense que l’expérience de l’accueil en vacances ou celui du parrainage, cela procure une connaissance de soi face à des enfants. Cela est précieux !
Je souhaiterai qu’un couple postulant à l’adoption, âgés de 40-45 ans, aie cette expérience-là. Celle d’un enfant étranger, qui arrive chez eux et qui sera avec eux pour un certain temps. Comment ils le vivent ? Est-ce qu’ils maintiennent leur projet d’adoption après ? Est-ce qu’ils se sentent réellement prêts à adopter ».

Maryse, maman adoptive, qui parraine également depuis cinq ans : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ajouterai simplement attention à l’enfant. Ne pas l’oublier ! Il existe des parrainages courts, longs. Lorsque l’on s’engage dans un parrainage auprès d’un enfant, il faut que l’on sache si cela est une semaine pendant les vacances ou pour toute une vie.
Alors si c’est pour toute une vie, même si un enfant arrive dans la famille, ce filleul-là ne doit pas disparaître de notre vie. Par contre si c’est pour un parrainage court, même si cela n’est que durant les vacances, l’enfant attend peut-être tout de même plus. Il ne faut pas oublier cet enfant-là.
Nous avons tous eu dans notre vie des expérimentations sans danger pour l’enfant avant d’en accueillir un à la maison, et c’est comme cela que l’on apprend. Mais attention à la fragilité des enfants parrainés. Parce qu’ils ont des parcours de vie très complexe, alors ne pas rajouter une fragilité à ça. Il ne faut pas les oublier.
C’est plus un message aux travailleurs sociaux qui proposeront le parrainage. Qu’ils n’oublient pas l’enfant dans tout ça ».

Quand l’intérêt de l’enfant prime …

Ce récit couvre près de 30 ans. Il illustre combien les statuts peuvent évoluer au-cours du temps, des lois, des interlocuteurs, du contexte. Ce témoignage est exceptionnel et hors-norme, car la famille ici a toujours veillé à s’adapter à l’intérêt supérieur des enfants, qui lui étaient confiés. Ils sont passés du parrainage à tiers digne de confiance, de famille d’accueil, à assistante maternelle et enfin ils sont devenus parents adoptifs pour un enfant et marraine de cœur pour un autre.
Les prénoms ont été modifiés.
Janvier 2021.

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En 1993, mon mari et moi, alors âgés de 40 ans, avons décidé de suivre une formation avec l’association Solensi (www.solensi.org ; parrainage d’enfants pour familles malades du sida) pour devenir parrains bénévoles.

Ma première mission m’a amenée à rencontrer Anne (3 ans et demi) et sa maman en janvier 1994. Les parents d’Anne étaient séparés ; le père était déjà très malade du Sida. Quelques jours après notre première rencontre, une autre bénévole m’a contactée pour savoir si je pouvais garder Anne quelques jours en dépannage, parce que sa maman n’était pas bien.
Bien sûr, nous avons accepté.
Comme entre temps, la maman d’Anne avait disparu, injoignable, le psychologue de l’association qui accompagnait notre groupe de bénévoles, m’a demandé de faire une déclaration auprès de la brigade des mineurs. Le lendemain, deux policiers en civil ont vérifié qu’Anne était bien accueillie à notre domicile.
La semaine d’après, la juge des mineurs nous a convoqués pour un entretien auquel était aussi présent un éducateur de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) en charge d’une mesure AEMO (action éducative en milieu ouvert) pour Anne.
Plus tard, nous avons appris que les parents d’Anne et leurs fratries avaient été placés durant leur enfance dans des foyers et des familles d’accueil.
Comme entretemps la maman d’Anne était sortie de l’hôpital psychiatrique et n’était pas en mesure de s’occuper de sa fille, la juge des enfants du TGI de Nanterre nous a demandé de prendre en charge Anne en tant que « tiers digne de confiance » pour une durée de six mois, renouvelé une fois.

Suite à la mutation professionnelle de mon mari, nous avons déménagé de Paris en Lorraine en février 1995. La juge des enfants nous a proposé de continuer à accueillir Anne, à condition de faire une demande d’agrément en tant que famille d’accueil. Nous nous engagions à venir une fois par mois à Paris pour qu’Anne puisse passer le week-end avec sa maman et puisse poursuivre ses consultations avec sa pédopsychiatre parisienne.
En Avril 1995, le papa d’Anne est décédé. Comme il est enterré près de Melun, à plusieurs reprises, nous nous sommes rendus sur sa tombe au retour de Paris les dimanche soirs.
A la demande de la maman d’Anne, son frère et sa compagne (âgés de 25 et 22 ans) ont demandé à la juge de prendre en charge Anne. Un an après, cette demande était refusée, mais la juge leur a accordé un droit de visite.
L’ASE des Hauts de Seine dont dépendait Anne, a alors décidé qu’elle devait passer toutes ses vacances scolaires avec son oncle et sa tante. Cela dura six ans. Ces séjours et les allers-retours étaient organisés par l’ASE, le transfert se faisant toujours par le bureau de l’ASE. Jamais ce jeune couple n’a pris l’initiative d’organiser ces séjours. Ils travaillaient tout les deux et n’étaient parfois pas en mesure de s’occuper d’Anne qui était alors chez la mère de sa tante par alliance.
A cette époque, l’assistante sociale de l’ASE m’a dit que, étant donné la façon dont nous étions devenus famille d’accueil, nous n’étions pas une famille d’accueil « normale ».
Pour l’assistante sociale, le lien d’Anne avec sa famille était à préserver coûte que coûte. On nous a même reproché de trop aimer Anne.
Une fois installés en Meurthe-Et-Moselle, j’ai fait ma demande pour un agrément en tant qu’assistante familiale pour accueillir deux enfants. Ce que j’ai obtenu en septembre 1995. L’ASE de Meurthe et Moselle nous a confié un bébé de 3 mois et demi, Charlotte, en vue d’un placement longue durée. Les parents de Charlotte, un couple qui se droguait, avait un droit de visite organisé au bureau de l’ASE. La maman par la suite a fait un sevrage. Les deux avaient trouvé un emploi et un logement. Au bout de quelques mois, ils ont obtenu un droit de visite à leur domicile.
Avec mon mari, nous nous sommes rendus compte que ce jeune couple faisait de grands efforts pour pouvoir reprendre leur enfant. En fait, nous voulions tous les quatre que la petite Charlotte aille le mieux possible. Et sur ce souhait commun, il n’y avait pas de place pour la discorde, la jalousie ou la méfiance entre nous !

Après environ un an et demi, Charlotte pouvait retourner vivre chez ses parents. Mais comme ils travaillaient, à leur demande, j’ai accueilli Charlotte à la journée comme nounou.

En février 1998 mon mari est muté dans les Bouches du Rhône. Peu avant notre départ, les parents me demandaient de devenir la marraine de Charlotte.
Pendant les cinq ans et demi au cours desquels nous avons vécu dans le département des Bouches du Rhône, Charlotte et sa petite sœur, deux ans plus jeune, passaient trois semaines de vacances avec nous chaque été. Aujourd’hui Charlotte a 25 ans ; nous nous voyons très régulièrement et sommes souvent en contact par téléphone.

Pour résumer : le placement de Charlotte a été une vraie réussite, car, les parents, l’équipe de l’ASE et nous-mêmes, nous nous sommes adaptés au progrès des parents.

Pour accueillir un enfant dans les Bouches du Rhône, nous avons dû passer cinq entretiens : d’abord moi deux fois, puis mon mari, Anne et à la fin mon mari et moi ensemble. A Paris et à la Meurthe-Et-Moselle, les démarches avait été bien moins importantes pour avoir un agrément….

Très rapidement j’étais contactée pour accueillir un petit garçon, François, deux ans et demi. Je n’ai jamais vu un enfant dans un tel état !!! Il était extrêmement perturbé, était encore en couches, ne parlait pas et visiblement avait été maltraité. Pendant quatre mois, à la demande des parents, François ne passait que la semaine avec nous. Quand je le ramenais chez ses parents les vendredi soir ou samedi matin, j’étais frappée de constater qu’il n’y avait aucun contact, ni physique, ni verbal ni visuel entre sa maman et lui.

Très vite j’ai demandé de l’aide à l’ASE. Une éducatrice venait une fois par semaine pour rester avec lui, pour que je puisse faire les courses. Au bout de quatre mois au retour du week-end chez ses parents, j’ai dû faire un signalement pour maltraitance. Les visites chez les parents se sont arrêtées de suite. Quatre mois plus tard, le papa de François a obtenu de nouveau un droit de visite, d’abord en présence d’une éducatrice dans les locaux de l’ASE. La maman entretemps avait quitté le domicile, et a pratiquement disparu par la suite.
Les parents de François avaient été eux-mêmes suivis par l’ASE dans leur enfance : pour la maman, placée en famille d’accueil et pour le papa, en foyer de l’enfance.

L’arrivée de François dans la vie de notre famille (nous et Anne) a été une réelle épreuve. Partout, à la maternelle, à l’école, puis plus tard au collège, il faisait toujours tout pour se faire exclure. Je ne comptais plus les réunions avec les enseignants, la psychologue scolaire, l’assistante sociale, etc. Heureusement, dans les Bouches du Rhône, j’avais une famille d’accueil relais et un très bon contact avec son assistante sociale.

Au printemps 2001 la maman d’Anne m’a contactée pour m’informer qu’elle était atteinte du sida. Elle voulait que j’accueille également sa deuxième fille âgée de trois ans. Mais quand elle est décédée un an plus tard, le père de cette enfant a eu la garde (aujourd’hui, cette jeune femme est à la dérive, a eu un enfant à 17 ans, qui est élevé par son père alcoolique).
Nous avons proposé à Anne qui avait 12 ans au décès de sa mère de l’adopter. Pour rester fidèle à sa famille, elle ne l’a pas souhaité.

A nouveau, mutation professionnelle de mon mari : nous déménageons en Meurthe-Et-Moselle en août 2002. Il était considéré pour François qu’il était préférable qu’il continue à vivre avec nous que de rester à proximité de son père, qui de toute façon n’assumait pas complètement son droit de visite.
Dans le 54, le service de l’ASE devait faire le suivi de François par délégation, mais cela n’a duré que deux ans. Et pour des raisons administratives, je n’avais plus de famille relais pour François. Quand il a eu douze ans, j’ai été obligée de faire appel au médecin pour le faire hospitaliser à l’hôpital psychiatrique pour la première fois. Et aujourd’hui, à l’âge de 24 ans, il est toujours suivi en psychiatrie, reconnu à 80 % handicapé par la MDPH. Au cours de ces années, il y a eu de multiples incidents tels que déscolarisation à partir de la quatrième, fugues, menaces, agressions, multiples séjours en Hôpital Psychiatrique. Il est resté vivre avec nous jusqu’à l’âge de 19 ans, puis s’est installé dans un studio avec notre aide. Nous avons peu de contact avec lui.

Suite au décès de la maman d’Anne, sa famille paternelle a repris contact avec elle. Une de ses tantes l’invitait en vacances avec son mari et leurs trois enfants, tous plus jeunes qu’Anne. En 2005, Anne avait quinze ans. L’ASE accordait un droit d’hébergement d’Anne, en vue d’une future adoption plénière par sa tante et son mari. Pendant ces vingt mois au cours desquels Anne est restée dans cette famille, ses notes scolaires ont chuté. Elle était la « cendrillon » de la famille et nous avions heureusement obtenu qu’elle puisse venir à Nancy la moitié des vacances pour nous retrouver ainsi que ses amies. Elle ne nous a jamais raconté ce qu’elle vivait chez son oncle et sa tante. Par contre elle en a parlé à ses copines, en leur demandant de conserver le secret.
Au bout de vingt mois, après avoir signé son accord pour être adoptée contre son gré, elle a fugué pour nous retrouver. Elle est arrivée au milieu de l’année scolaire en première et a terminé ses années de lycée obtenant un Bac ES avec mention bien.
Quand elle a eu 18 ans, son assistante sociale lui a déclaré qu’elle était maintenant adulte et qu’elle pouvait vivre ailleurs que dans une famille d’accueil. Encore aujourd’hui, Anne supporte difficilement de vivre seule pendant plus d’une journée.
D’abord installée dans un foyer de jeunes travailleurs, puis avec un premier copain, puis avec un deuxième, tout en suivant les cours pour obtenir un BTS. Ce deuxième copain, qui vivait avec Anne dans un foyer d’hébergement, la maltraitait, la violait, la battait. Anne venait une fois par semaine chez nous pour dîner, mais ne nous disait rien sur l’enfer qu’elle vivait. Suite à notre intervention, ce garçon a finalement été condamné à trois ans et demi de prison ferme pour ce qu’il lui avait infligé.
Anne a eu son BTS avec un an de retard.
Aujourd’hui à trente ans, elle a une petite fille de trois ans et est séparée du papa depuis deux ans et demi. Elle a un emploi stable et est heureuse de s’assumer financièrement.
Aujourd’hui nous attendons la décision du tribunal suite à notre demande d’adoption simple d’Anne, avec l’accord du fils d’un premier mariage de mon mari.
Ces vingt ans en tant que famille d’accueil, ont été très mouvementés. Rétrospectivement, je me demande, comment j’ai pu vivre cela sans crise de nerfs. Mon mari, assez pris par sa vie professionnelle, était en moyenne absent douze heures par jour. Il avait un regard avec plus de recul que moi, ce qui parfois m’aidait, parfois pas. De toute façon, pour traverser de tels tourbillons, il faut être soudés et solidaires, ce qui est notre cas.
Je pourrais écrire un livre sur mon expérience avec les assistantes sociales des trois ASE avec qui j’ai travaillé. En fait, pour schématiser, il existe deux approches.
1. Approche Hauts-de-Seine : L’enfant placé doit garder le contact avec sa famille biologique, coûte que coûte. Il sert à « guérir, aider » ses parents. « Vous aimez trop Anne. Vous ne devriez pas faire des projets pour elle. Vous n’êtes pas une famille d’accueil « normale » (concernant la dernière remarque, je suis d’accord. J’ai osé poser des questions, par exemple…)
2. Approche Bouches-du-Rhône : Si la relation avec la famille biologique est néfaste pour l’enfant, il faut réduire le temps de visite. « On ne peut jamais aimer assez un enfant placé ».
Dans les trois départements, j’ai assisté à des groupes de paroles, des réunions de travail avec des collègues. La grande majorité était des gens formidables qui étaient dévoués pour aider ces enfants à se construire. Assez souvent, ils vivaient des situations conflictuelles avec les parents biologiques : jalousie, méfiance, agressivité. Au retour d’un week-end chez les parents, les enfants pouvaient être perturbés, en colère, déboussolés, remontés, tiraillés entre les deux familles.

Comme on ne connaît pas un enfant qu’on accueille, qu’on parraine, son histoire, son vécu peut jaillir à tout moment et peut se manifester d’une façon inattendue. Alors, il est important de rester attentif, disponible à tout moment, surtout au début.
Aussi pour soi-même, il est nécessaire de dire à l’enfant : tu ne dois rien à qui que ce soit. Moi, l’adulte, je veux juste t’aider à grandir pour devenir un adulte heureux.

Selon ma propre expérience, je conseille de faire partie d’un groupe de paroles, qui est accompagné par un/e psychologue. Ces groupes aident à évacuer les tensions, à prendre du recul quand on est dans une situation difficile. On peut puiser dans l’expérience des autres. On se soutient.

En conclusion :
• Anne nous considère comme ses parents et nous nous comportons avec sa fille comme des grands parents classiques. L’adoption n’est que la concrétisation d’un état de fait.
• Charlotte est régulièrement en contact avec nous, participe à nos fêtes familiales, est déjà venue en vacances d’été avec nous depuis qu’elle est adulte et je suis souvent sa confidente pour l’aider dans ses questionnements.
• François a de véritables difficultés à s’intégrer socialement et à l’inverse, il a une tendance à provoquer son exclusion vis-à-vis de tous ses contacts comme s’il cherchait à reproduire l’exclusion qu’il a connue, en particulier avec sa mère. Nous ne recherchons plus les contacts, car à chaque fois, ils dégénèrent rapidement et peuvent devenir dangereux.
Même si les relations avec les institutions sociales ont souvent été compliquées avec des personnes usées, démotivées et attachées à des principes d’un autre âge, cette expérience n’a pas seulement été notre apport aux enfants, mais aussi l’inverse. Il reste de bons souvenirs, de vrais moments de joie et les problèmes qu’ont pu nous poser parfois ces enfants, ne sont ni plus ni moins ce que toute famille est susceptible de connaître avec ses propres enfants.
Assistante familiale n’est pas un rôle qu’il faut aborder comme un métier. Par contre, c’est un apprentissage permanent qu’il faut aborder avec beaucoup d’humilité, de capacité d’adaptation et d’empathie. Si on le fait pour avoir un emploi et un salaire, il est préférable pour soi-même et surtout pour les enfants de faire autre chose.

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